Black Venus : belle et rebelle
À l’heure où Barbie tente de s’affranchir au cinéma de tous les stéréotypes de blonde écervelée et à la féminité gratuitement exacerbée, Somerset House explore la nouvelle image des femmes noires dans la peinture et surtout dans la photographie moderne. « Black Venus, reclaiming black women in visual culture » explore et déconstruit les clichés liés à leur genre et leur couleur de peau.
A l’origine de ce projet militant, Aindrea Emelife,
a choisi 18 artistes exclusivement noires non-binaires et féministes pour explorer les séquelles de notre société -héritière d’un passé colonialiste pesant. Un point de vue très spécifique et très critique. « J’espère- nous dit-elle- que cette exposition sera un catalyseur pour mieux lire l’Histoire. Aujourd’hui, être une femme noire n’est plus un problème ; c’est un défi » .
Au travers d’une sélection d’une quarantaine d’œuvres, elle dénonce les préjugés qui s’immiscent encore aujourd’hui, dans notre vie quotidienne et dans l’iconographie occidentale. Avec vigueur et créativité, dans un style qui rappelle les polémiques de Meghan Markle, le commissaire conservateur de l’exposition déconstruit l’image péjorative des femmes noires façonnée au fil du temps en Occident :
une femme (déjà un problème),
noire (c’est une difficulté supplémentaire ),
hypersexualisée comme Jézebel à l’érotisme mystérieux sauvage, les seins nus, primitive, au mieux « exotique »
ou maternante dans un rôle subalterne (comme une nourrice, garde d’enfant),
ou pire encore : invisible.
Il faut en effet attendre l’ère du jazz au début du 20è siècle pour que leur présence dans la peinture ou la photographie soit vue comme un « renouveau »
De la connaissance à la reconnaissance, l’exposition démonte ces codes dévalorisés et se réapproprie l’identité de ces femmes, leur histoire, leur beauté. Il faut y voir une transmission précieuse - à l’image du parcours de la plus célèbre des Vénus Noires : Joséphine Baker. C’est son engagement qui a réussi à balayer les barrières, à conquérir émancipation et liberté pour tous et toutes.
Sa sensualité et sa volonté clairvoyante lui valent les surnoms de « Déesse Créole », de « Perle Noire ». Elle est celle qui, avec une ceinture de bananes a réussi à redéfinir les représentations et l’imaginaire de la culture noire loin des clichés racistes véhiculés depuis la Vénus Hottentot à la fin du 18è.
Cette jeune fille d’Afrique du Sud aux formes généreuses intrigue et effraie les spectateurs de l’époque ; elle fascine les scientifiques qui voient en elle l'évolution du singe. Elle anime aussi les cirques et les clubs libertins.
Aindrea Emelife replace les femmes noires comme des figures complexes, emblématiques des contradictions de notre société moderne.
La place de plus en plus affirmée qu’elles prennent dans l’art valide leur vécu, leurs émotions, leur sagesse et leur dignité.