« Capturing the Moment » à la Tate Modern

Thomas Struth - 1954 ; photo Francine Joyce

Dés son apparition au début du 19è siècle, la photographie a revendiqué un statut d’œuvre d’art. Utilisé pour éviter aux modèles de poser de longues heures sans bouger, l’appareil photo s’est très vite hissé au-dessus de son rang d’outil pour donner au photographe une aura d’artiste. Si le monde ronronnant de la peinture (jusque la miroir de la réalité) s’en est au départ inquiété voire offensé, la relation « je t’aime, moi non plus » des deux disciplines s’est vite transformée en symbiose. Et la photographie s’est rapidement imposée comme alliée plutôt que concurrente.

Si la photo débute comme un art de l’instant, exposant une précision documentaire plus convaincante que les réalisations au pinceau, la Tate Modern met en avant dans le cadre de l’exposition « Capturing the Moment », l’influence réciproque de la peinture sur l’utilisation artistique des objectifs.

David Hockney 1937 "Pool with Two Figures"

Les peintres ont alors développé de nouveaux styles, de nouvelles perspectives. Comme Lucien Freud ou Francis Bacon qui contorsionne violemment la réalité pour révéler les « pulsations de la personne »

ou encore Picasso qui déconstruit les perspectives linéaires et reconstruit la réalité en superposant différentes perspectives d’un portrait « l’espace d’un instant »

montage Francine Joyce

Alice Neel cherche, elle a dépeindre les réalités sociales au travers de portraits peints chargés émotionnellement en particulier les classes ouvrières de New York

Alice Neel "Puerto Rican Boys on 108th Street" 1955

Cécile Brown essaye de transmettre la crudité de la chair humaine au travers de la texture de la peinture, de son relief sur la toile.

Cécile Brown "Trouble in Paradise" 1969 ; photo Francine Joyce

Dans les années 20, les appareils peu transportables limitaient le travail des photgraphes à des vues fixes. Mais ils se sont petit à petit inspirés des techniques de collage et de surimpression de la peinture contemporaine pour créer des œuvres décalées, voire révolutionnaires comme Raoul Hausmann, Alexander Rodtchenko ou le surréaliste Man Ray

Ainsi Jeff Wall explore les limites entre la vérité et la fiction, entre le quotidien et l’imaginaire. Il remet en question l’idée que la photographie reproduit fidèlement la réalité

Jeff Wall " A Sudden Gust of Wind" 1946 ; montage Francine Joyce

« A sudden gust of wind” capture ce qui ressemble à un moment gelé dans le temps. Quatre personnages secoués par le vent,  mais la composition est en fait une meticuleuse mise en scène . Il aura fallu à Wall plus d’un an et plus de cent clichés pour réaliser son œuvre en collant et en surperposant les images prises à Vancouver de papiers emportés par le vent. La scène semble à la fois fixe et en mouvement. Elle est à la fois figurative et le résultat d’une manipulation digitale.

Dans les années 60, les artistes tels que Pauline Boty ou Andy Warhol explorent eux les déformations du culte de l'image liés à l'émergence du marketing et du cinéma

Andy Warhol "Self-Portrait"

Lisa Brice centre ses études sur  l'image de la femme dans ce nouveau contexte sociétale

En fixant les sujets, la photographie, tout comme la peinture suspend le temps. L'objectif tout comme le pinceau capture l'émotion de l'espace-temps.

« Capturing the Moment »
Du 14 juin 2023 au 28 janvier 2024
Tate Modern
Bankside
London SE1 9TG