Helen Hunt, une star hollywoodienne sur les planches londoniennes
Oscar de la meilleure actrice pour son rôle dans « Ce que veulent les femmes » (1997), Helen Hunt joue depuis le 6 septembre le personnage de Suzanne dans la pièce prémonitoire – on pourrait presque dire visionnaire - de Jonathan Spector « Eureka Day ».
Un texte écrit il y a 5 ans et pourtant d’une actualité brûlante.
Tout commence en 2017 dans une petite école libérale de Berkeley en Californie. Lorsqu’une épidémie d’oreillons se déclare, se pose la question très polémique de l’immunisation des enfants pour retourner en classe après la quarantaine. Faut-il forcer les parents d’élèves à vacciner leurs enfants pour protéger la communauté ? Une question aussi ancienne et coriace que les vaccins eux-mêmes (au XVIIIè siècle contre la variole - il y a quelques mois à peine pour la Covid) ; une controverse qui a plus ou moins perdu son lustre idéologique selon les époques et les pays.
A Eurêka Day, un débat zigzagant puis démonté s’engage entre les 5 membres hypersensibles du comité de direction. Il oppose dans une atmosphère électrique, la susceptibilité et les idéaux des gardiens des libertés individuelles anti-vaccin et les défenseurs de la sécurité sanitaire pro-vaccin. Bien que la petite nurserie de Berkeley érige le consensus social et moral commun en flambeau universel ( le seul qui pourrait un jour réconcilier tous les hommes) l’harmonie politiquement correcte de départ bascule rapidement dans le ridicule et le chaos.
Se voulant garant du respect de chacun et d’une plénitude morale absolue, l’école propose un débat « online » ouvert avec les parents via une plateforme vidéo. Les commentaires du chatroom sont projetés sur les murs de la classe laissant apparaitre un défilé extravagant et hilarant d’émoticônes saugrenus, de messages choquants, de témoignages émouvants entremêlés de suggestions incongrues voire ésotétiques (le régime sans gluten ne serait-il pas ici salvateur ? La solution ne trouverait t-elle pas dans les tartines au beurre d'ail ? dans les compléments au zinc ? ), ou des questions absurdes (n’est-il pas incohérent de servir des doughnuts bio dans des assiettes en carton ?)
La pieuse initiative de débat est un désastre !
Helen Hunt (qui a fait ses premiers pas au théâtre à l’âge de 8 ans), excelle dans la peau sans paillettes de cette institutrice passionnée mais fragile aux côtés d’une troupe phénoménale : une collègue qui se dit « au-delà de la monogamie », un directeur bedonnant en short, sandales et chaussettes de laine, une jeune recrue aux dents longues et au franc-parler …
Bien que notre époque soit dépeinte comme l’apothéose du libre agir et du libre parler, son idéal de neutralité morale, capable d’attribuer à chacun la place dont il a besoin est une utopie
jusqu’au 31 octobre au théâtre Old Vic
The Cut, London SE1 8NB