Le somptueux héritage culturel de l'Empire Moghole au V&A

L'Inde est un formidable berceau culturel souvent décrit comme  « le trésor du monde ». Le Victoria & Albert Museum expose jusqu’au 4 mai prochain, l’art de la dynastie Moghol qui regorge de richesses fascinantes et fastueuses.

Poignards en or sertis de centaines de diamants et de rubis, coffres finement incrustés d’ivoire ou de nacre, manuscrits enluminés, bijoux en perles… plus de deux cents objets étincelants racontent l’âge d’or de l’Empire Moghol.

La promesse “d’opulence” du sous-titre de l’exposition ( “ The Great Mughal : Art, Architecture and Opulence” ) est tenue. Difficile de ne pas être ébloui par les motifs floraux enchanteurs, inspirés de ceux sculptés sur les murs du Taj Mahal.

Impossible de ne pas se laisser envouter par les yeux noirs de cette princesse assise sur un belvédère rocheux, qui laisse tomber sa longue tresse de cheveux pour que son amant en contrebas grimpe jusqu'à elle, tandis qu’autour d’eux s’élève un palais flottant dans le ciel. Vous vous attarderez devant des dessins, des illustrations et des peintures fantastiques.

Elles dépeignent des scènes peuplées de créatures mythiques, de démons, de princes amoureux ou d’écureuils aux queues touffues, qui sautillent sur les branches d’un platane rougeoyant. Les artistes et artisans de l’époque (contemporains de la Renaissance en Europe) aiment la beauté qui les entoure. Ils combinent une observation minutieuse des fleurs, des plantes, des animaux pour réaliser des compositions allégoriques, avec une fantaisie évocatrice, voire chimérique.

photo F. Joyce

Dans une gravure un géant à longue barbe est pourchassé dans les nuages par l'armée de Hamza. Dans une autre des marchands portugais visitant la cour moghole sont représentés discutant mystérieusement, avec des anges.

Presque chaque image vibre d’une intensité captivante et vous transporte au Cœur de la vie quotidienne ou dans un royaume imaginaire : réceptions, batailles, rêveries sur une terrasse…

Il y a aussi quelques épisodes sanglants : scènes de chasse bien sûr, ou de guerre avec par exemple, un empereur qui tire une flèche à travers le crâne tranché de son ennemi. Un bouclier rond moghol, couvert de motifs et d’images en nacre lustrée, a été prêté par le Musée Bargello de Florence. Ce bouclier n’a clairement jamais vu un champ de bataille, mais de nombreuses armes présentées dans les vitrines sont  mortelles : des dagues courbées avec des poignées et des fourreaux incrustés de pierres précieuses, des « poignards-punch » décorés de motifs floraux.

Mais, l’ambiance générale de la visite est sensuelle. L’art de l’Inde Moghole conjugue imagination et spiritualité. Il réunit des influences hindoues, bouddhistes, musulmanes, iraniennes et chrétiennes imprégnées de matériaux précieux, du cristal de roche, de la nacre, du jade néphrite, des saphirs, des émeraudes, de l’or. Les tissus, avant tout le brocart, sont principalement décorés de dessins persans.

Akbar, premier des « grands » moghols (empereur à 14 ans et grand-père de Shah Jahan) était illettré et il adorait que des “lecteurs” lui lisent des épopées illustrées. C’est à lui que l’on doit la création d’une splendide bibliothèque de manuscrits enluminés à Agra.

C’est donc son petit-fils Shah Jahan, qui fera bâtir le Taj Mahal, en l’honneur de son épouse Mumtaz morte à la naissance de son 14è enfant. Mécène visionnaire qui aime les divertissements de son harem, il  est un bâtisseur insatiable à qui l’Empire doit la majesté de son héritage culturel.

l'Empereur Shah jahan à 40 ans - photo F. Joyce

Même si vous connaissez mal l'histoire de l'Inde, la visite vous enveloppera d'une atmosphère éblouissante de sensualité, de beauté, de magie et de spiritualité envoûtante et calme.

A la suite de cette exposition le Victoria and Albert Museum prévoit de moderniser et d'agrandir l'aile consacrée aux arts de l'Inde pour rendre justice á la richesse culturelle de l'Empire Moghol et des dynasties qui lui ont succédé jusqu'à nos jours.