Les députés britanniques votent pour le projet d'un Royaume-Uni sans tabac
En cas d'adoption définitive du texte, ces jeunes deviendraient la première génération sans tabac au Royaume-Uni, où le tabagisme est, selon le gouvernement, la principale cause de mortalité évitable. Il est responsable d'environ 80.000 décès par an et d'un cancer mortel sur quatre.
Lors du premier vote sur ce projet de loi mardi à la Chambre des Communes, 383 députés ont approuvé le texte, 67 votant contre. Parmi eux près d'une soixantaine de députés conservateurs, dont la ministre des Entreprises Kemi Badenoch et plusieurs secrétaires d'Etat.
Le Premier ministre conservateur Rishi Sunak a lancé à l'automne, à la surprise générale, une politique très ambitieuse de lutte contre le tabagisme, même si celle-ci divise son camp. "Il est de notre responsabilité, de notre devoir, de protéger la prochaine génération", a dit la ministre de la Santé Victoria Atkins, à l'ouverture des débats à Westminster, mardi après-midi. Ce projet de loi doit permettre de
combattre "la tyrannie de l'addiction" créée par le tabac.
Selon le gouvernement, environ 12% des Anglais de 16 et 17 ans fument. Quatre fumeurs sur cinq ont commencé avant l'âge de vingt ans et restent dépendants jusqu'à la fin de leur vie, même si la plupart d'entre eux ont essayé d'arrêter, selon des chiffres du gouvernement. "Une grande majorité des fumeurs aimerait ne jamais avoir commencé", a souligné sur la BBC le professeur Chris Whitty, conseiller médical en chef du gouvernement britannique. Mais "une fois qu'ils sont devenus dépendants, ils n'ont plus le choix".
Il a critiqué l'industrie du tabac qui "gagne de l'argent en rendant dépendantes des personnes qui vivent généralement dans les régions les plus défavorisées du pays". Avant le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande avait fait voter en 2022 au Parlement un texte similaire, interdisant la vente de cigarettes à toute personne née après 2008. Mais fin 2023, le nouveau gouvernement conservateur a annoncé l'abandon de ces mesures pionnières.
"Anti-conservateur"
Rishi Sunak a pu compter sur les voix du parti travailliste pour soutenir son texte. Mais l'opposition de certains élus de sa majorité est de nature à affaiblir encore son autorité et de renforcer les divisions au sein de son parti, déjà largement devancé par le Labour dans les sondages à l'approche des législatives attendues cette année.
Liz Truss, éphémère cheffe du gouvernement avant Rishi Sunak, l'a qualifié d'"anti-conservateur". "Nous sommes un pays libre. Nous ne devrions pas être ceux qui disent aux gens de ne pas fumer". L'ex-Premier ministre Boris Johnson a également critiqué le texte, estimant que c'était "juste fou" pour le parti de Winston Churchill de vouloir interdire "les cigares" dont l'ancien dirigeant conservateur était amateur.
Le député conservateur Simon Clarke estime pour sa part que le projet risque de "créer un marché noir". "L'industrie du tabac et ses clients ressuscitent leurs vieux arguments pour (...) retarder cette importante législation", a critiqué Martin McKee, professeur de Santé publique européenne à la London School of Hygiene and Tropical Medicine. "Si le Parlement adopte ce texte, il placera le Royaume-Uni à l'avant-garde de la lutte pour l'éradication de l'une des inventions les plus nocives des temps modernes", a commenté Lion Shahab, co-directeur du groupe de recherche sur le tabac et l'alcool à la University College London (UCL).
Ce texte prévoit également de lutter contre le vapotage chez les jeunes en posant des restrictions sur les arômes et en réglementant la façon dont les produits de vapotage sont vendus et emballés afin de les rendre moins attrayants.
En janvier, Rishi Sunak a aussi annoncé l'interdiction des cigarettes électroniques jetables. Au goût d'ananas, de fraise ou autres fruits appétissants et vendus dans des petits tubes colorés, les "puffs" rencontrent un succès croissant chez les adolescents. Selon des chiffres officiels, parmi les jeunes de onze à 17 ans qui vapotent au Royaume-Uni, la part de ceux qui consomment des cigarettes électroniques jetables a été multipliée par neuf en deux ans.