Les troubles anxieux chez les enfants et les adolescents - interview du Dr Vohwinkel, pédopsychiatre à Londres

Les enfants et ados vont reprendre le rythme scolaire, l’anxiété générée par la rentrée de septembre s’est estompée pour la majorité d’entre eux même si la saison est marquée par des baisses de moral, le stress des notes et celui des examens de fin d'années qui approchent.
Il arrive aussi que certains restent très angoissés, parce que la situation actuelle n’est pas favorable à l’apaisement, parce que ce sont des enfants d’un naturel anxieux, parce que d’anciennes ou de nouvelles inquiétudes émergent. Le terrain est alors propice à l’apparition d’un trouble anxieux et il convient de savoir en reconnaître les signes avant-coureurs afin de les prendre en charge le plus tôtpossible.


Les troubles anxieux, c’est quoi exactement ?

Le Dr Vohwinkel explique que l’anxiété est un symptôme, elle peut apparaitre de façon normale et ponctuelle en réponse à une situation particulière, comme par exemple un changement d’école, une interrogation à venir, une compétition sportive...

Les troubles anxieux quant à eux sont un syndrome. Dans leurs cas, l’anxiété, les peurs, voire les terreurs sont chroniques, fréquentes, intrusives et illogiques, on peut citer par exemple les difficultés récurrentes d’endormissement, la crainte infondée de se retrouver dans des lieux publics fréquentés, la phobie scolaire...

Il faut ici faire la distinction entre un symptôme, qui est peut-être physiologique et passager, et un syndrome, qui relève du pathologique.

Les TA s’expriment-ils différemment chez l’enfant et l’adolescent ?

Chez l’enfant, c’est le plus souvent par le corps qu’ils ressortent : mal à la tête, au ventre, troubles du sommeil. Ils peuvent également devenir tyranniques avec leurs parents, mouiller leur lit ou encore développer des troubles obsessionnels compulsifs (comportements répétés et ritualisés). Le Dr Vohwinkel précise que si le ou les TOC(s) se chronicisent, ils peuvent avoir des conséquences graves au niveau du développement neuronal. Les récentes recherches ont en effet montré que l’anxiété non prise en charge affecte le développement du cerveau de l’enfant et de l’adolescent qui auront alors une plus forte tendance à devenir des adultes très anxieux, il est donc crucial de mettre en place un suivi thérapeutique adapté afin d’éviter les répercussions qui peuvent les suivre jusqu’à l’âge adulte. Quant aux adolescents, il faut faire très attention, ils se trouvent déjà dans une période de changements exceptionnels et complexes lors de laquelle les colères, l’instabilité, l’opposition et l’agitation sont courants. Des TA qui apparaissent dans ce contexte peuvent très vite escalader, on retrouvera les mêmes manifestations que chez les enfants mais aussi l’abus de substances psychoactives ou encore des situations d’auto-mutilation, la douleur physique constituant une distraction pour le cerveau qui peut alors se concentrer sur une douleur gérable et contrôlable plutôt qu’une anxiété diffuse ou envahissante.

Quel traitement mettre en place en cas de trouble anxieux ?

En cas de suspicion de TA, il faut consulter un pédopsychiatre (ou un psychologue qui renverra en cas de besoin vers un psychiatre) pour diagnostic, indication de thérapie et de traitement médicamenteux au besoin.

La thérapie est bien entendu au centre de l’accompagnement, le Dr Vohwinkel conseille une technique psychodynamique (centrée sur la prise de conscience des processus inconscients des patients), la thérapie comportementale cognitive (CBT) surtout en cas de TOC, l’EMDR pour les traumas ou encore l’hypnothérapie.

Chez l’enfant, on commencera par une thérapie, les progrès seront évalués au bout de 3 à 6 mois. Si aucune amélioration n’est constatée, une médication sera alors envisagée, même si elle reste une option qu’on préfère éviter.

Chez l’adolescent, on commence par vérifier qu’il/elle ne présente pas de comportement auto-agressif et/ou de mise en danger. Si ce n’est pas le cas, on débutera aussi par une thérapie qui sera revue au bout de 3 à 6 mois. Les médicaments antidépresseurs peuvent être prescrits, soit dès le départ, soit au bout de quelques mois de thérapie si celle-ci n’est pas suffisante.

Le docteur insiste sur le fait qu’en cas de traitement, il ne sera jamais prescrit de médicament qui puisse entraîner des conduites addictives et qu’ils seront toujours accompagnés d’un suivi médical et d’une thérapie afin que cette dernière puisse prendre le relai à l’arrêt du traitement.

En cas de tendances suicidaires ou de comportements de mise en danger, le traitement médicamenteux sera la première réponse car ses effets seront plus rapides, une thérapie viendra en parallèle travailler sur la réduction de l’anxiété sur le long terme. Dans ce cas les deux approches sont complémentaires : le médicament viendra diminuer l’inhibition anxieuse qui, si non traitée, risque d’affecter l’efficacité de la thérapie.

Comment aider les enfants à gérer leur anxiété et prévenir l’apparition de troubles anxieux ?

Le Dr Vohwinkel conseille d’adopter une écoute active de l’enfant, c’est une écoute qui n’anticipe pas ce que l’enfant pense ou ressent, mais une vraie attention curieuse et ouverte face à leurs angoisses. Elle rappelle aussi l’importance des rituels rassurants comme les rituels autour du coucher, qui même s’ils peuvent être vécus comme déplaisants par les enfants, restent des rituels rassurants dont ces derniers ont grandement besoin.

“De nos jours, on hésite à frustrer les enfants mais leur poser des limites structurantes leur permet de se sentir protégés par l’adulte, y compris protégés de leur propre impulsivité”

Elle suggère entr’ autres l’instauration d’une « météo du jour » à vérifier dès le matin au moyen d’une aide visuelle (comme une roue des émotions ou un tableau pouvant reprendre les visuels météorologiques pour illustrer leur état du moment) qui leur permet de “mettre des mots et des images sur leurs émotions et
prévenir l’envahissement anxieux”.

Elle propose également l’instauration d’un debriefing quotidien en fin de journée. Quelques minutes consacrées à l’événement le plus délicat traversé par l’enfant ou l’ado, une opportunité d’analyser cette expérience et de pratiquer la méditation ou l’EFT autour des sentiments qu’elle a suscités. Puis, la remémoration des 3 meilleurs moments de la journée pour apprendre à se concentrer sur le positif.

En cas d’épreuve perturbante pour toute la famille, elle encourage la discussion entre tous ses membres, un partage de ressentis aussi bien pour les enfants que pour les adultes (qui sauront bien évidemment limiter leur participation à ce qu’un enfant/ado est capable d’entendre). Créer ces moments permettra de faire diminuer la charge émotionnelle et enseignera aux enfants/ado qu’il est important d’accorder leur place aux émotions à tout âge. Pour cela elle suggère bien entendu la conversation, mais également toute technique qui permet de se recentrer sur le bouillonnement intérieur et sur le corps, on citera par exemple la méditation, le yoga, la sophrologie et bien évidemment l’EFT à effectuer ensemble.

Elle souligne également l’importance de structure dans les conduites éducatives pour rassurer l’enfant plus jeune surtout : “De nos jours, on hésite à frustrer les enfants mais leur poser des limites structurantes leur permet de se sentir protégés par l’adulte, y compris protégés de leur propre impulsivité”

Elle rappelle encore que la prise en compte du corps est cruciale dans la gestion de l’anxiété, apprendre à l’enfant à écouter son corps, à reconnaître les manifestations physiques de l’inconfort afin de faire le lien avec ses émotions est absolument indispensable.

Elle conclut “qu’en cas de doute, il ne faut jamais hésiter à consulter car les TA pris tôt sont toujours plus faciles à soigner que ceux pris à un stade plus avancés.”

Le Dr Vohwinkel est docteur en médecine, spécialité psychiatrie, spécialisée en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (université de Nice, 1996-7), elle a en outre suivi une formation de thérapeute familiale au centre d’Etudes pour la famille en 1999. Elle exerça en tant que praticien hospitalier des hôpitaux de Nice entre 1999 et 2015, durant cette période elle dirigeait un Centre d’accueil therapeutique pour les enfants autistes et souffrants de troubles de l'attachement.

Elle a élargi son champs de compétences en 2012 et se formant à l’hypnothérapie auprès de l’Association française d’Hypnose. Arrivée à Londres en 2015, elle y partage son temps de travail entre différentes équipes du NHS (équipes de neurodéveloppement, troubles alimentaires et crise chez les adolescents) et sa pratique privée au sein de Kensington International Clinic et du Nightingale hospital.

Je suis quant à moi thérapeute EFT & EMDR et hypnothérapeute cognitive et comportementale. J’accompagne des enfants, adolescents et femmes dans la gestion de leurs émotions, stress et anxiétés depuis 2018 ans dans mes 4 cabinets londoniens (Kensignton International Clinic à South Ken, Médicare à Earls court, cabinets privés à Camden et Wembley Park) mais également en distanciel.