Pas de reflux de l'inflation au Royaume-Uni, en pleine crise du coût de la vie
Ce chiffre rend une hausse de taux d'intérêt de la Banque d'Angleterre quasi certaine pour jeudi, quand elle annoncera sa nouvelle décision de politique monétaire. Les analystes attendaient un repli modeste à 8,4% en moyenne. "Les prix des voyages aériens, des divertissements et biens ou services culturels, et ceux des voitures d'occasion ont été les plus gros facteurs" de résistance de l'inflation, par exemple les concerts ou les jeux vidéo, détaille l'Office national des statistiques (ONS) mercredi dans son rapport mensuel.
Et ce, malgré un recul des tarifs des carburants, et un très léger ralentissement de la hausse des prix alimentaires, qui reste à des niveaux historiquement très élevés à 18,4% pour mai sur un an. "Près de 70% des ménages sont soit 'extrêmement' soit 'très inquiets' de la hausse des prix de l'alimentation et des boissons", relève le cabinet d'études Kantar.
Le géant britannique des supermarchés Tesco a affirmé récemment de son côté voir "de premiers signes" que l'inflation commence à ralentir. "Nous savons combien l'inflation élevée fait du mal aux familles et aux entreprises à travers le pays", a commenté le ministre des Finances Jeremy Hunt dans un communiqué, persistant à promettre de "diviser par deux" l'inflation cette année.
Vu la persistance de l'inflation, la Banque d'Angleterre devrait jeudi augmenter de nouveau son principal taux d'intérêt, actuellement à 4,50%, la question étant désormais pour les économistes de savoir si la hausse sera de 25 ou 50 points de base.
Nation de stagflation
Paul Dales, de Capital Economics, estime que "dans les deux cas, l'accélération de l'inflation sous-jacente (hors alimentation, énergie, etc.) fait du Royaume-Uni une anomalie et une +nation de stagflation+". Le cas de l'inflation têtue au Royaume-Uni a amené le gouverneur de la Banque d'Angleterre Andrew Bailey à admettre que les prévisions de l'institution n'avaient pas été fiables, et que les prix mettraient plus de temps que prévu à marquer le pas.
Une situation qui contraste avec les Etats-Unis où la Réserve fédérale a fait une pause dans ses hausses de taux directeurs grâce à un fort ralentissement de l'inflation en mai, à 4,0% sur un an. Dans la zone euro, l'inflation s'est repliée à 6,1% en mai, après 7% en avril.
Le Royaume-Uni a pâti d'une dépendance plus forte que dans beaucoup de pays européens, notamment la France, au gaz pour son chauffage, et a subi de plein fouet la crise énergétique qui a suivi le début de la guerre en Ukraine. S'y est ajouté le choc de la reprise post-covid, entre perturbations logistiques et manque de personnel. Des facteurs qui ont pesé sur les économies à travers le monde, notamment aux Etats-Unis, mais aggravés au Royaume-Uni par le Brexit, comme l'a rappelé ce week-end l'ex-gouverneur de la Banque d'Angleterre Mark Carney. "Nous avions expliqué à l'avance que le Brexit créérait un choc négatif de l'offre et que les conséquences seraient une livre plus faible, une inflation plus élevée et une croissance plus faible", a-t-il énuméré dans le Daily Telegraph.
Les tensions sur le marché du travail, qui participent largement à l'emballement des prix, sont également accentuées par un autre facteur assez spécifique au Royaume-Uni: des centaines de milliers de personnes forcées de sortir du marché du travail, victimes de maladies de longue durée. En parallèle, les mouvements de grève se multiplient dans de nombreux secteurs, des médecins aux enseignants en passant par le clergé anglican, pour réclamer des revalorisations salariales en ligne avec la flambée des prix.