Pour réduire l'immigration, le Royaume-Uni s'attaque aux visas étudiants
Le Royaume-Uni a déjà enregistré une immigration nette record d'un demi-million de personnes entre juin 2021 et juin 2022 et de nouveaux chiffres attendus cette semaine devraient confirmer la tendance, embarrassante pour l'exécutif conservateur dirigé par Rishi Sunak.
Le sujet est d'autant plus délicat que la très à droite ministre de l'Intérieur Suella Braverman est actuellement fragilisée par sa gestion d'un excès de vitesse. Alors que les prestigieuses universités britanniques attirent de nombreux étrangers, les nouvelles restrictions sur les visas étudiants "réduiront considérablement le solde migratoire en limitant la possibilité pour les étudiants étrangers de faire venir des membres de leur famille", indique le gouvernement dans un communiqué.
Ces mesures, qui entreront en vigueur en janvier, concernent tous les étudiants "à l'exception des chercheurs de troisième cycle". Par ailleurs, les étudiants étrangers ne pourront plus passer du visa étudiant au visa travail avant d'avoir terminé leurs études. Le gouvernement promet d'agir contre les "agents sans scrupules" qui utilisent les visas étudiants comme route migratoire. En 2022, environ 136.000 visas ont été délivrés à des personnes à la charge des étudiants étrangers, contre 16.000 en 2019, selon les chiffres du gouvernement. "Nous avons vu une augmentation sans précédent du nombre de personnes à la charge des étudiants arrivant dans le pays avec des visas", a relevé Suella Braverman, citée dans le communiqué.
La ministre a jugé que les nouvelles mesures représentaient un "juste équilibre" et permettrait "à moyen terme" de faire revenir le solde migratoire au niveau d'avant-Covid. Les réactions ont été vives du côté des universités, qui craignent de perdre avec les étrangers qui payent des frais de scolarité exorbitants une source vitale de revenus et une partie de leur attractivité sur la scène mondiale.
Le Russell Group, qui représente les établissements les plus prestigieux comme Oxford ou Cambridge, s'est inquiété de mesures qui vont affecter les efforts "de diversification des recrutements internationaux". "Ceux qui choisissent d'étudier au Royaume-Uni, d'où qu'ils viennent, apportent une valeur considérable à notre société et méritent de vivre aux côtés de leurs proches pendant leurs études", a critiqué de son côté Jo Grady, secrétaire général du syndicat de l'enseignement supérieur UCU. "Au lieu de cela, ils sont traités avec mépris".
Pénuries de bras
La question du contrôle de l'immigration a dominé les débats pendant la campagne de 2016 qui a abouti au départ du Royaume-Uni de l'Union européenne. Mais le gouvernement conservateur n'est pas depuis parvenu à faire baisser de l'immigration légale et illégale, malgré la promesse de reprendre le contrôle des frontières. En 2022, plus de 45.000 migrants, un record, ont traversé la Manche illégalement. "Stopper les bateaux" est l'une des cinq priorités de Rishi Sunak.
Le gouvernement veut envoyer dans des pays tiers comme le Rwanda les demandeurs d'asile arrivés illégalement. Mais ce projet, attaqué devant la justice, est au point mort. Dans le même temps, le Royaume-Uni est, depuis le Brexit, confronté à une pénurie de main d'œuvre notamment dans l'agriculture et la santé, créant de régulières tensions au sein de la majorité.
Le Premier ministre Rishi Sunak a récemment reconnu qu'il allait devoir accorder des dizaines de milliers de visas saisonniers pour l'agriculture, semblant aller à l'encontre de sa ministre de l'Intérieur. Cette dernière est intervenue dans une conférence ultraconservatrice pour déclarer ne voir "aucune bonne raison pour laquelle le Royaume-Uni ne peut pas former ses propres conducteurs de poids-lourds et ses ramasseurs de fruits pour faire baisser l'immigration".
Dans ce contexte de tensions politiques, Suella Braverman est attaquée depuis la révélation dans la presse ce week-end qu'elle avait demandé à des fonctionnaires de l'aider à obtenir un traitement de faveur après un excès de vitesse l'été dernier, sous la forme d'un stage de sensibilisation particulier. Sa demande a été refusée mais Rishi Sunak a indiqué consulter son conseiller éthique Laurie Magnus pour décider d'éventuelles suites à donner à ce que l'opposition dénonce comme une violation du code ministériel.