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Après le « Brexit », l’enjeu politique du « Bregret »
Si le "Brexit" n'est plus une actualité de premier plan, il devient une carte politique majeure pour reconquérir la confiance nationale
A quelques jours de l’anniversaire du Roi Charles III, les britanniques s’apprêtent à souffler avec lui les 75 bougies de son prochain birthday pudding - son premier comme souverain. Un moment festif et historique qui nous fera oublier ici en Grande Bretagne, l’espace d’un instant royal, les sombres nouvelles de Gaza, de l’Ukraine, de l’économie mondiale et du réchauffement de la Planète.
En ce mois de novembre 2023, les anglais ont le vague à l’âme. Ils célèbrent certes l’anniversaire de Charles mais aussi celui du Brexit. Le troisième. Et il est clair que bien peu ici s’en réjouissent et chanteront « happy birthday » en cœur ou en canon. Après des mois loin de l’actualité et des gros titres, le nouveau variant du Brexit, le « Bregret » arrive en force sur le sol anglais et semble se développer rapidement. Une progression endémique à l’échelle nationale et aux conséquences européennes. En effet, le nombre de britanniques qui expriment un regret au regard de la sortie de l’Union Européenne est en nette augmentation. Selon la société de sondage YouGov, environ 62% des britanniques estimeraient aujourd’hui que le Brexit, après 47 ans de vie commune avec l’Europe est un échec. Un tiers d’entre eux considèrent que le référendum proposé par David Cameron (europhile convaincu) était un « pari fou » et que la sortie gérée par Boris Johnson a été mal négociée. A ce jour, sur les 17.4 millions d’électeurs ayant voté "leave", plus de 17% (certains sondages vont jusqu’à 22%) estiment s’être trompés. Cette morosité surnommée « Bregret » s’amplifie, notamment dans le milieu agricole qui dit avoir perdu son idéal. Certains agriculteurs cherchent même aujourd’hui à réduire de plus en plus officiellement ce référendum à "une manœuvre opportuniste" pour assurer sa ré-élection au parti conservateur de l'époque.
En outre, les pêcheurs expriment aussi un désanchetement tonitruant car ils n’ont pas repris le contrôle sur les eaux territoriales comme le gouvernement l’avait promis. Eux aussi se disent "trahis", et certains finissent par douter du fondement économique de la sortie du marché unique.
En effet, depuis les 3 dernières années, l’inflation est au plus haut (elle a dépassé les 10%) , la productivité s’enlise et l’économie s’effrite provoquant une redoutable crise et des grèves historiques en Grande Bretagne. Les prix ont augmenté de 25% entre janvier 2021 et mars de cette année alors que presque 7 milliards de pounds ont été ajoutés aux coûts alimentaires.
Ce blues national est très certainement aussi imputable (au moins en partie) à la crise sanitaire du Covid qui a fragilisé l’économie et à la guerre en Ukraine qui a destabilisé les finances nationales . Mais il est clair que sans les avantages commerciaux réservés aux pays membres de l’UE, l’économie britannique a eu plus de mal que le reste de l’Europe à faire face à la crise énergétique.
En effet depuis l’entrée en vigueur de Trade and Coopération Agreement, les importations ont chuté de 21% et les exportations de 31%.
Selon l’Agence de Presse américaine Bloomberg, le Brexit coûterait à l’économie britannique 100 milliards de pounds par an et serait une cause majeure de l’augmentation du chômage.
De plus, l’immigration illégale a atteint des sommets alors que le Brexit devait redonner au pays le contrôle de ses frontières
Bien au-delà de ses 100 premiers jours à Downing Street, Le premier ministre Rishi Sunak a choisi de voir dans le Brexit une immense opportunité. Il n’a pas vraiment le choix car il ne peut pas se démentir.
Il devra donc répondre au plus vite à ceux qui lui demandent de nouvelles voies de négociations avec Bruxelles.
Keir Starmer, qui lui est un pro-européen convaincu depuis toujours, va lui, chercher à se réapproprier les électeurs pro-brexit. Il a ainsi choisi de les rassurer en affirmant qu’il « comprend les gens qui ont voté « leave » en 2016 parce qu’ils voulaient des services publics fiables, des rues dont ils puissent être fiers, des opportunités pour la génération suivante ».
Bref, leurs désillusions lui apparaissent comme légitimes et il leur promet dans toutes ses allocutions une amélioration des services publics s’il arrive au pouvoir. Stratégiquement, il évite de parler des relations avec l’Union Européenne.
Selon The Independant deux tiers des britanniques souhaiteraient un nouveau scrutin. Mais à ce jour, les priorités des anglais sont autres : avec en première place l’économie (64%), puis la santé (59%), l’immigration (29%) et loin derrière le Brexit (17%). Pas une priorité mais une carte à jouer fondamentale aux prochaines élections.