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La double vie de votre sac-à-main
Radiographie psychologique de ce fourre-tout devenu roi de votre dressing et qui renferme fièrement, mais secrètement tout votre mode de vie.
Au cœur du monde infini des accessoires de mode, l’humble petite bourse qui n’avait au départ que le but utilitaire d’abriter un chapelet ou nos petites économies, est devenue en quelques décennies frénétiques, l’obsession des femmes de toutes générations, leur « soft power » un peu comme une démonstration de pouvoir.
La demande mondiale pour les sacs-à-main augmente tous les jours - bien plus vite que tous les autres produits de luxe. Chaque année, dix millions de nouveaux consommateurs supplémentaires s’aventurent sur le marché du haut de gamme, grâce aux produits d’appel que sont les sacs.
D’où vient cette singularité absolue du sac-à-main ? Pourquoi cette historique montée en puissance et cette fascination culturelle si durable ?
A qui et à quoi lui attribuer sa séduction planétaire ?
Emblème du luxe français, le sac se balance précieusement à nos bras -quotidiennement et partout - avec éclat… voire avec majesté ! J’en veux pour royal témoin l’intemporel Launer d’Elisabeth II qui lui voue une fidélité presque fétichiste. Depuis plus de 70 ans de règne, il est le détail immuable qui ponctue tous ses looks. Au diable le dérèglement climatique, sous une écrasante canicule ou dans le blizzard il est toujours là, accroché à sa Reine. Minimaliste, vernis lisse, oscillant entre le beige et le noir, il complète et réhausse discrètement ses tenues monochromes, ses chapeaux fleuris et ses collants chair. Tout comme sa propriétaire, il recèle de secrets et mystères. Il contiendrait (aux dires toujours très crédibles de ses paparazzis) un rouge à lèvres, un miroir de poche, un mouchoir brodé à ses initiales, des lunettes, une grille de mots croisés (au cas où elle s’ennuierait !!!), des bonbons à la menthe en cas de petit creux ... rien de shocking … mis à part un petit canif en souvenir de son époque scout !!!
Comme moi, et comme vous, ce que la Reine Elisabeth transporte bien calfeutré hors de la vue et du jugement des autres, n’est pas nécessairement fonctionnel mais précieux, reflet de ses choix de vie, de son monde intime. Loin des apparences et des convenances, ses essentiels à elle, ne sont certainement pas les vôtres ni les miens ; mais comme nous, je suis sûre qu’elle pourrait dire que « toute sa vie est dedans » .
Le mien, c’est un mix qui échappe à toute rationalité ! Entre foirfouille futile et bazar utile, il camoufle une poétique cacophonie entre la boite à outils et le coffre aux trésors ! Comme la plupart d’entre nous, je ne pars pas sans une trousse de maquillage, une photo de Fred, des clés, un téléphone, une carte de crédit, des « au cas où » type lingettes, chocolats, pompe à vélo, un millier de stylos … et puis, dans des couches sédimentaires plus profondes un petit coquillage porte-bonheur, d’autres chocolats, une pharmacie complète, les miettes du gouter de ma fille, des papiers griffonnés…
Comme vous, je râle quand je dois le fouiller de fond en combles devant la porte d’entrée un peu comme Médor quand il déterre un vieil os, parce que mes clés sont enfouies au fond du capharnaüm. Et comme vous, je me dis dans ses moments-là que Sa Majesté, elle, n’aura jamais à chercher ses clés, ni à déballer ses tampons à la caisse de Tesco en voulant présenter sa Club Card !
Véritable reflet de soi donc, votre sac est le témoin de vos désirs et de vos angoisses. Bien plus qu’un simple accessoire de mode, il est l’écrin de votre identité. C’est beaucoup de poids, mais aussi beaucoup d’amour sur nos épaules. On le voit bien, dès qu’une femme devient mère, son sac s’alourdit !
Il s’expose aujourd’hui sous toutes ses coutures au Victoria and Albert Museum en poils de chèvre, orné de perles, brodé de fils d’or, en cuir, fourrure, peau de reptiles, en plumes, en plastique recyclé ... L’exposition présente 300 ans du sac et explore sa finalité en tant qu’objet de mode, objet fonctionnel, comme marqueur social, comme arme psychologique, véritable bouclier pour renforcer sa confiance en soi. Au V&A, le sac s’affiche dans sa double nature - publique et privée, dans toute son ambivalence aussi. Si l’intérieur est intime et sans fards, l’extérieur lui, se donne en spectacle.
Notre sac, c’est le lien entre notre foyer et le monde extérieur.
Si l’affaire est dans le « bag », l’objet pourtant est fourbe.
Aussi encombrant soit-il, on se réjouit de le remplir de petits riens qui veulent dire beaucoup ; et puis on a de cesse de le « détoxifier ». Il nous impose ce cornélien débat de devoir choisir entre un idéal de légèreté et les kilos du maxi cabas pratique et rassurant.
Si les femmes ont réussi au fils du temps à se libérer des carcans vestimentaires -corsets, soutien-gorges - le sac lui perdure.
Les hommes eux, ne s’en encombrent pas. Quand le poids de l’existence et de la famille envahit les gibecières de leurs mères, épouses et autres « significant partners » les hommes restent légers ; ils se satisfont d’une poche de blouson ou de jean déformé !
Moi je préfère laisser ce look baroudeur à Indiana Jones ; donc, pour Noël, "Fred … tu m’emmènes au rayon maroquinerie ?"