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“Standing at the Sky's Edge”
Une comédie musicale magistrale, bouleversante d'humanité et loin des clichés artistiques du West End.
A Londres, le spectacle est partout : dans les rues, en plein air, dans les salles et dans une infinie variété de décors. Ce sont des pièces de théâtres, des opéras, des ballets, des “one-man shows” et un nombre croissant de comédies musicales. Depuis les deux dernières décennnies, ces dernières séduisent un public de plus en plus jeune. Elles doivent leur succés à une “recette” propre - on pourrait presque dire “classique”- qui les propulse en haut des téléchargements musicaux sur les plateformes de streaming. Les “ingrédients” de ces formidables productions : un thème fort qui fait écho à l’actualité, une époque historique marquée, une musique branchée, des interprètes nombreux et à voix puissantes, des chorégraphies visuellement percutantes, des effets de lumière, des décors “intelligents” qui se transforment.
L’une d’elles - tirée d'un roman à succés- se démarque avec maestria de la “formule gagnante” typique : “Standing at the Sky's Edge” de Richard Hawley et Chris Bush, qui se joue jusqu’au 3 aout au Gillian Lynne Theatre de Londres.
Elle raconte l’histoire de l’Angleterre moderne du thatchérisme au Brexit (de 1960 à 2020). Au cours de ces 60 années, ce sont les espoirs, les rêves, et les douleurs des résidents d’un même appartement qui se succèdent. Le petit meublé accueille au cours de ces 6 décennies tumultueuses, trois familles dans l’une des tours en béton de la cité HLM de Sheffield. Leurs parcours vont s’entrelacer comme si les murs bruts conservaient les traces de ses locataires passés et présents :
Harry et Rose qui vont connaitre le chaos des années Thatcher, les grèves, le chômage, la dépression dans l’alcool,
Puis Joy, une adolescente réfugiée qui emménage avec sa tante et son cousin et doit faire face au racisme et à la peur.
Enfin Poppy, une femme “middle class” qui fuit une histoire d’amour brisée avec une autre femme - Nikky.
Le scénario enchaine une suite d’évenements qui rappellent l’actualité d’aujourdhui : la politique changeante, la santé mentale, la solitude, la sexualité, la violence urbaine, le déracinement, le deuil mais aussi et surtout l’esprit communautaire omniprésent. et salvateur. Le graffiti lumineux “ I LOVE YOU ; WILL YOU MARRY ME ? ” éclaire en continu tout le domaine des logements sociaux. Dés l’ouverture du spectacle, un ouvrier chante avec douceur entre deux passerelles de béton brut. L’atmosphère générale n’est jamais larmoyante. Elle est à la fois dramatique et poétique.
Elle laisse chanter les oiseaux ; elle laisse parler la vie intérieure et complexe d’une classe ouvrière rarement présente sur les planches du West End depuis “Billy Eliott”.
La chorégraphie moderne et sans exhubérance de Lynne Page met en scène l'agitation quotidienne et banale des multiples vies qui se croisent dans le complexe de Park Hill.
Des ballades soul relient comme des parenthèses musicales les différents chapitres de l'intrigue. Elles emportent les personnages et le public dans un tourbillon de chaleur résonnante et poignante.
Les solos sont puissants et magistraux.
Pendant presque trois heures, “Standing at the Sky's Edge” vous emporte avec émotion. Les spectateurs (et plus particulièrement les expatriés) quittent la salle bouleversés comme s’ils laissaient derrière eux plus que des amis, une famille.
Gillian Lynne Theatre
Covent Garden - 166 Drury Lane WC2B 5PW