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Victor Hugo : l’encre entre les mots et les images, à la Royal Academy
Londres expose l'intimité des dessins à l'encre de Victor Hugo
Monument de la littérature française, Victor Hugo est peu connu pour ses talents de dessinateur. Pourtant, depuis les années 1830, il a réalisé plus de 4000 dessins à l’encre, au fusain, au crayon, au charbon, au café… . La plupart sont conservés à la Bibliothèque Nationale de France ainsi qu’à la Maison Victor Hugo à Paris. 70 d’entre eux sont exposés aujourd'hui à la Royal Academy jusqu’au 29 juin 2025.



Carnet de voyage - Photos F. Joyce
Carnets de voyages, représentations aux confins du figuratif et de l’imaginaire, paysages inspirés du Moyen Âge … les encres de Victor Hugo sont empreintes de mystère et de lyrisme. Elles sont, au même titre que ses écrits, le miroir graphique des passions de l’écrivain : la nature, l’architecture (en particulier les châteaux et les églises), la mer, les ténèbres romantiques.



"Le Château du bonheur" ; "Château à la croix" - photos F. Joyce
Hugo n’a jamais cherché à devenir un artiste peintre reconnu. Il griffonnait à la plume, à ses heures perdues avec assez de talent pour explorer ses propres techniques “expérimentales”. Son geste est précis, les traits sont sûrs, son genre est unique et très personnel. Sa "Planète Oeil" est presque surréaliste ! Son style est celui d’un autodidacte talentueux et inspiré. Ses encres font écho à la noirceur de la société qu'il décrit dans ses romans - dans "Les Misérables", dans "Notre Dame de Paris " ; ces inégalités sociales qu'il combat en politique. Ses esquisses ne sont pas celles d’un amateur, elles sont celles d’un artiste à part entière qui exprime ses émotions profondes. Et il en était fier : « je suis tout heureux et très fier de ce que vous voulez bien penser des choses que j’appelle mes dessins à la plume », écrivait-il à Charles Baudelaire en 1860. Même si dessiner était pour lui bien plus qu’une activité secondaire, il n’a jamais de son vivant vendu ni exposé ses encres. Il les offrait à des amis chers, à ses maîtresses ou à des œuvres de charité.
Il dessinait sur place au cours de ses voyages ou de mémoire ou au gré de son imagination. Ainsi, ses panoramas sont toujours pittoresques et décrits avec minutie.



"La Durande" ; "Malines" 1837 - photos F. Joyce
Ce sont des citadelles fortifiées sous un ciel nuageux, des châteaux abandonnés “fantomatiques”, des falaises abruptes, une flore touffue et enchevêtrée, des océans déchainés qui bien sûr, évoquent la mort de sa fille adorée Léopoldine noyée. Ses horizons hérissés de tours en ruines et de clochers gothiques sont empreints de poésie et de dramaturgie.
Hugo représente même des pendus, des têtes de mort, des créatures effrayantes : serpents, pieuvres, araignées…



"Ecce Lex" - "Le dernier jour d'un condamné" ; "pieuvre" ; "serpent" - photos F. Joyce
Des silhouettes inquiétantes traversent ses toiles, des créatures fantastiques habitent des ruines brumeuses, des ombres mystérieuses et presque obsédantes se cachent, vous épient. Le noir de l’encre souligne la mélancolie sombre des atmosphères. Sous ses crayons, la nature aussi prend un aspect onirique, comme ce champignon géant, à la fois magnifique et terrifiant et qui semble anticiper celui d'Alice au Pays des Merveilles :

En 1863, Théophile Gautier expliquait comment Hugo pouvait transformer “ une tache d'encre ou de café sur le premier bout de papier venu, en paysage, en château, en marine d'une originalité étrange ».

Des vitrines exposent aussi des lettres, des recueils de notes, des galets signés, des esquisses. La visite est sombre, mais elle met en lumière sa créativité orageuse. Elle entraine le visiteur dans les méandres mystérieux de l'imagination de Victor Hugo, celle qui transcende ses écrits.
