A Londres, la quête toujours plus difficile des candidats au logement
Cyndi Cheng, une Hongkongaise de 34 ans, pensait bien qu'elle n'y arriverait jamais. "La concurrence est intense", raconte la jeune femme, arrivée seulement quelques mois plus tôt dans le pays, avec un nouveau visa introduit par Londres en réponse à la drastique loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin en juin 2020.
Le plus difficile: "cocher toutes les cases et remplir tous les critères" exigés pour louer un bien, explique-t-elle à l'AFP. Faute d'emploi à temps plein, un propriétaire a refusé de la laisser visiter. De nombreux autres ne lui répondaient même pas.
Pour un logement en particulier, qui lui plaisait, "je vérifiais mes messages toutes les heures", raconte-t-elle. Elle a finalement trouvé un autre logement, "minuscule et qui n'a pas vraiment de fenêtre". Si la concurrence est féroce, c'est qu'il y a un manque criant de logements: pour dix nouveaux locataires potentiels, il n'y avait en février qu'un seul bien disponible, selon les chiffres de Propertymark, une organisation professionnelle du secteur.
C'est "la période la plus difficile que nous ayons jamais vue pour les locataires", abonde Matt Hutchinson, directeur de SpareRoom, une plate-forme de colocation populaire. "Et nous gérons le site depuis 20 ans maintenant".
Discrimination
Paris Williams, 24 ans, cherche quant à elle un nouveau logement depuis plus d'un an, sans succès. "Est-ce parce que je suis noire?", s'interroge-t-elle. Selon elle, le décalage entre l'offre et la demande donne toute latitude aux propriétaires pour "sélectionner et choisir" qui ils veulent, quitte à avoir des pratiques discriminatoires. Generation Rent, une organisation qui défend les droits des locataires, affirme avoir constaté une augmentation de la discrimination à l'encontre des locataires LGBT+ et des minorités ethniques ces derniers mois. Des candidats se voient parfois demander des biographies détaillées et des photos.
Le durcissement du marché locatif dans la capitale britannique s'explique notamment par la crise du coût de la vie, avec une inflation qui s'accroche depuis des mois au-dessus de 10%, à laquelle s'ajoute l'envolée des taux des crédits immobiliers. Certains propriétaires ont répercuté les coûts sur les locataires, d'autres ont choisi de vendre, diminuant le stock de logements disponibles.
Dans tous les cas, les loyers ont bondi: ils ont atteint au premier trimestre de cette année le niveau record de 952 livres (environ 1.075 euros) par mois en moyenne pour une chambre à Londres, selon une étude de SpareRoom. Le plus difficile pour les locataires est "d'attirer l'attention du propriétaire (...) La plupart des gens n'obtiennent même pas de visite", décrit M. Hutchinson.
120 messages
Joey Mazars, 28 ans, raconte l'envers du décor: en novembre dernier, lui et sa colocataire ont fait appel à SpareRoom pour trouver une troisième personne pour partager leur logement.
Dans les 48 heures suivant la publication, ils ont reçu environ 120 messages. Impossible d'examiner en détail chaque candidature : les deux colocataires se sont résolus à établir certains critères pour filtrer les candidats, en éliminant par exemple ceux qui avaient "des passe-temps étrange", raconte M. Mazars a l'AFP.
La situation "a radicalement changé depuis deux ans", dit-il, se rappelant avoir reçu nettement moins de messages lorsqu'il avait dû trouver un autre locataire l'année dernière. Dans ces conditions, beaucoup hésitent carrément à se lancer et sont "contraints de rester dans des conditions de logement qui ne leur conviennent pas", selon Will Barber-Taylor, un responsable de Generation Rent. Il cite par exemple des personnes qui restent dans des relations qu'elles voudraient pourtant quitter ou qui vivent dans des logements délabrés parce qu'elles craignent de ne pas pouvoir trouver un nouveau toit.
Le gouvernement doit présenter cette année un projet de loi très attendu pour améliorer les droits des locataires, moins protégés que dans d'autres pays européens, notamment la France.
Mais cela pourrait se retourner contre les locataires, affirme M. Hutchinson, en poussant davantage de propriétaires à retirer leurs biens du marché.
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