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“The First Supper (Galaxy Black)" de l’artiste Tavares Strachan - photo F. Joyce
The First Supper (Galaxy Black)" de l’artiste Tavares Strachan - photo F. Joyce

« Entangled Past » : Histoire Noire et Miroir Blanc à la Royale Academy de Londres

Le colonialisme au travers des arts : une exposition saisissante et polémique dans une mise en scène grandiose et poignante.  

Francine Joyce
Membres Public
- photo F. Joyce

La folie commence dés que vous entrez dans la cour de la Royal Academy où trônent 13 figures en bronze patiné noir et feuilles d’or. Treize icônes de l’Histoire Noire gesticulant autours d’une longue table similaire  à celle de « La Cène » de Léonard de Vinci, semblent vous inviter à vous joindre à elles, à boire dans des coupes étincelantes, vous servir dans des plateaux débordants. Cette nouvelle sculpture, idéologiquement très chargée “The First Supper (Galaxy Black)" de l’artiste Tavares Strachan est frémissante :

photos et montage F. Joyce

 Chacun de ces personnages raconte son histoire dans un espace-temps enchevêtré à la fois imaginaire et réel, à la fois passé et présent : l’astronaute Robert Lawrence (premier afro-américain dans l’espace)  le poète Derek Walcott, l’Empereur Haile Selassie, un homme morose tel un Judas moderne, la drag queen Marsha P Johnson, une infirmière bras ouverts …

L’entrée en matière de l’exposition est saisissante de contrastes et d'émotions palpables.

La Royale Academy a été construite pour des mises-en-scènes grandioses. Les galeries qui accueillent les 50 artistes de « Entangled Past » explorent chacunes à leur manière - classique, contemporaine, provocative ou poétique, les thèmes de l’identité, de la migration, de l’art, de l’appartenance.

La première salle expose un portrait précoce par Thomas Gainsborough d'Ignatius Sancho (première personne d'origine africaine à voter lors d'une élection au Royaume-Uni) .

Des histoires de départs et d’arrivées, d’espoirs et de désespoirs émanent de la magnifique « Armada » (2019) de Hew Locke – une flotille de 45 embarcations, galions, bateaux de pêche, le paquebot HMT Windbrush, le Mayflower, délicatement décorés, ornés de filets, de pièces d’or, de bijoux, de tissus.

Tous ces navires évoquent les drames intemporels de l’homme et la mer. Tous soulignent le tourbillon de notre vie actuelle complexe et instable.

Au mur, la peinture monumentale et ambivalente de John Singleton Copley « Watson and the Shark », prêtée par Boston qui montre la mer comme un lieu de traumatisme et comme support de l’esclavage aussi.

« Watson and the Shark » de John Singleton Copley photo F. Joyce

Elle représente une jeune marin de 14 ans sur le point d’être dévoré par un requin sanguinaire sous les yeux de ses compagnons d’équipage. Ils sont dirigés par un homme noir d’une grande beauté, d’un calme olympien et compatissant.

La gravure de Kara Walker « No World » sur le poster de l’exposition montre, elle, de géantes mains noires hissant un navire blanc hors des eaux sombres du passé. Elle exprime le pouvoir et la résilience de la créativité artistique noire.

La poignante peinture "The Babylonian Marriage Market", nous montre des jeunes femmes exposées hierarchiquement en fonction de leur couleur de peau pour être vendues et mariées.

"The Babylonian Marriage Market" 1875 - photo F. Joyce

Des œuvres d'artistes contemporains de renom tels que Frank Bowling RA, Sonia Boyce RA, Lubaina Himid RA, Isaac Julien RA, Hew Locke RA, Yinka Shonibare RA et Kara Walker Hon RA sont présentées en dialogue avec des œuvres d'artistes du passé, notamment Joshua Reynolds PRA, Thomas Gainsborough RA, John Singleton Copley RA et J.M.W. Turner RA.

Tournée vers le futur, l’exposition couvre 250 ans d’histoire pour réinterpréter le colonialisme et la manière dont les personnes à la peau noires ont été représentées - ou pas- au travers des siècles.

Elle est multimédia et comprend un film sur l’abolitionisme ainsi qu'une salle à trois écrans géants qui mettent en lumière les conséquences désastreuses du colonialisme. Elle se termine sur une installation troublante signée Betye Saar .

photo F. Joyce

Une planche à repasser représentant un navire négrier avec un fer attaché. Un drap blanc brodé des trois lettres KKK est suspendu pour sécher en arrière-plan. Une interprétation fascinante de la déshumanisation des esclaves. Elle donne une perspective internationale à nos héritages passés communs.

 

photo F. Joyce
"Entangled Past, 1768 - now" : Art, Colonialism and Change
à La Royale Academy
du 3 février au 28 avril 2024

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