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Le culte de la beauté en question à la Wellcome Collection

Le culte de la beauté en question à la Wellcome Collection

L'exposition "Le culte de la beauté" est ouverte jusqu'au 28 avril 2024 à la Wellcome Collection. L’entrée est gratuite pour tous.

Anne-Sophie Segondat
Membres Public
Diane de Poitiers maîtresse du roi de France Henri II se serait probablement empoisonnée avec l'or liquide qu'elle ingérait chaque jour pour tenter de rester jeune et belle.

C’est ce que révèle une lithographie présentée à la Wellcome Collection dans le cadre d’une exposition dédiée au culte de la beauté. Sempiternelle trublionne, la beauté semble susciter une fascination universelle qui traverse les âges. Même si les codes diffèrent d’une culture à l’autre, même si les canons évoluent en fonction des époques, la pression de se conformer à un certain idéal de beauté physique demeure présente dans toutes les sociétés. Pourquoi cette obsession ? c’est ce qu’explore The Cult of beauty. 

Réunissant plus de 200 pièces, dont des objets historiques, des œuvres d'art et installations, l’exposition propose une plongée captivante dans les normes changeantes de la beauté et invite à réfléchir à des définitions plus inclusives. Divisée en trois sections, l'exposition explore tour à tour les idéaux de beauté, puis l'industrie de la beauté, et la subversion de la beauté. 

Un idéal... Des idéaux

La première section, très dense, examine comment ont été façonnés les idéaux de beauté depuis la nuit des temps jusqu’à nos jours. Les figures divines ouvrent l’exposition avec un buste de Nefertiti, reine de l'Égypte ancienne dont le nom honorifique signifie « la parfaite est arrivée » suivie d’une peinture à l'huile exceptionnelle de la Madone noire de Guadalupe de 1745 et d’une estampe de la divinité hindoue Krishna vénérée pour sa beauté inégalée. 

Sont ensuite passés au crible les modèles occidentaux classiques de beauté depuis les répliques de statues de Vénus et de l'Idolino (dont on apprend qu’ils en ont en réalité été inventés à la Renaissance) jusqu’aux mannequins en Une des couvertures du magazine Vogue. Mais l’exposition n’en reste pas là et s’ouvre à d’autres traditions, d’autres communautés. Face à Vénus est ainsi disposée une statue néoclassique d'un hermaphrodite et, en se retournant, le visiteur aperçoit une image saisissante de l'artiste transgenre Cassils, Advertisement : Homage to Benglis qui le représente avec un corps bodybuildé et le visage fardé à outrance.

Toutes les beautés sont célébrées notamment au travers du thème du cheveux avec les œuvres de Cyndia Harvey dans This Hair of Mine, et les photographies monochromatiques de .D. Okhai Ojeikere, dont les superbes coiffures célèbrent l'unicité des traditions culturelles du Nigeria. 

Une série d'objets et de figurines historiques, dont des corsets du 18e siècle et de vieux miroirs égyptiens datant de 800 à 100 ans avant J.-C., permettent également d'établir un parallèle entre les instruments de beauté utilisés aujourd’hui et ceux des siècles précédents. On peut ainsi admirer des "patchs de beauté" du XVIIIe siècle. Ces "mouches" étaient portées à l’époque par les hommes et les femmes pour couvrir les cicatrices de la variole ou de la syphilis. Elles ont ensuite évolué pour devenir des accessoires de mode élitistes, portés pour rehausser l'éclat et la blancheur de la peau. On pourrait croire que cette pratique est aujourd’hui révolue mais des "stickers" sont désormais en vogue et vendus dans tous les rayons des produits de beauté. Si certains objets prêtent à sourire d’autres en revanche interrogent la violence de certaines pratiques esthétique : un corset de maternité à boucles datant des années 50 destiné sa grossesse. Et que penser de Sainte Rose de Lima, qui par humilité, se frottait le visage avec des grains de poivre jusqu'à l'apparition d'ampoules pour détruire sa propre apparence car seul le Christ pouvait être beau ? 

 Ces objets traduisent une ouverture progressive à de nouveaux idéaux de beauté. Plus on avance dans l’exposition plus la beauté devient inclusive. Le maquillage par exemple a évolué. C'est certainement la raison du succès colossal de la marque Fenty Beauty conçue par la chanteuse Rihanna en 2017 et qui propose 59 nuances de fond de teint. Un siècle plus tôt, Joséphine Baker avait elle aussi transformé l'industrie de la beauté en lançant le "Bakerskin", un produit qui assombrit la peau. Dans les années 1930, les riches parisiennes blanches cherchaient désespérément à obtenir son "look Baker" emblématique. La popularité du "look Baker" a ainsi joué un rôle dans l'engouement pour le bronzage qui a débuté en France transformant les idéaux de beauté occidentaux. 

Autrefois si restreinte, la notion de beauté s’élargit de plus en plus. En témoigne le travail magnifique d’Angélica Dass. Depuis 2012 l’artiste brésilienne photographie des personnes de tous âges et de toutes races, en faisant correspondre les pixels du nez de chaque sujet à une référence de couleur Pantone qui forme l'arrière-plan. L'unicité de chaque être est ici si gracieusement soulignée qu’on souhaiterait en voir bien davantage.

Une industrie florissante

L’exposition se poursuit avec une seconde section de l’exposition consacrée à l'industrie de la beauté explorant les liens parfois insoupçonnés entre la médecine et l'industrie cosmétique. On apprend ainsi que la cosmétique est apparue au néolithique avec la présentation d’une palette égyptienne en pierre pour onguents datant de -1786 avant notre ère. On découvre également que de nombreux appareils utilisés aujourd’hui en esthétique trouvent leurs origines dans la médecine : l'électrothérapie visant à prévenir les rides a d'abord été utilisée pour traiter la tuberculose, l'oxygénothérapie était à l'origine un traitement contre l'asthme ou bien encore les masques faciaux équipés de lumières LED censés corriger les éruptions cutanées ont initialement été utilisés par la Nasa pour favoriser la cicatrisation des plaies chez les astronautes. Ce mélange éclairant d'art et d'artefact est l'un des points forts de l'exposition. 

Le parcours dans l’industrie de la beauté devient tout à coup sensoriel grâce une magnifique installation immersive « Beauty Sensorium » faite de récipients en verre contenant des "Renaissance Goos" onguents de beauté recréés à partir de recettes de la renaissance et que les visiteurs peuvent sentir. Ces onguents étaient à l’époque fabriquées par des femmes. L’installation met en lumière leur rôle méconnu de pionnière de la chimie et de la botanique. Une seconde installation multimédia Makeupbrutalism de l’artiste Eszter Magyar intitulée "Il est absurde d'être beau si personne d'autre n'est laid" encourage les visiteurs à remettre en question la manière dont la beauté a été utilisée comme monnaie d'échange. 

La chirurgie esthétique et les pressions qu’elle engendre sont également questionnées dans cette section notamment au travers du travail de Shirin Fathi. Dans The Disobedient Nose l’artiste interroge les pressions sociales subies par les femmes iraniennes pour avoir recours à une chirurgie esthétique. Cette section s'achève avec une photo très dérangeante capturée par Zed Nelson d’une femme endormie lors d’une intervention de lifting. L'ensemble de la peau de son visage semble avoir été découpé par le scalpel du chirurgien qui la manipule comme un masque.

La beauté en nous

La dernière section de l'exposition, "Subvertir la beauté", est constituée de trois commandes d'artistes explorant "la beauté qui vit en nous, individuellement et collectivement". Elle commence avec un film Permissible Beauty (2022), réalisé par l'auteur-compositeur-interprète et historien de l'art David McAlmont, le photographe Robert Taylor et le cinéaste Mark Thomas. Au travers de portraits de six Britanniques noirs et homosexuels, le film explore les raisons pour lesquelles certaines formes de beauté sont plus permises et valorisées que d'autres. Vient ensuite une sculpture anthropomorphe de trois mètres de haut réalisée par Narcissister à partir des affaires de sa défunte mère. Ce mobile géant intitulé « (Presque) toutes les belles choses de ma mère décédée » combine des portraits de famille encadrés, des vêtements, des albums, des meubles et des documents éphémères, exprimant ainsi la difficulté de l'héritage. La toute dernière œuvre de l'exposition est une installation vidéo à huit écrans de Xcessive Aesthetics, conçue pour ressembler au miroir de la salle de bains d'une boîte de nuit. Elle combine vidéos de TikToks, articles en ligne et miroirs qui renvoient les visiteurs à eux-mêmes. L'installation, révèle les possibilités sociales qu'offrent les espaces numériques et semi-publics. C'est une fin appropriée pour une exposition qui met l'accent sur la construction de la communauté et veut nous apprendre à être un peu plus tolérant envers nous-mêmes.

 

L'exposition "Le culte de la beauté" est ouverte jusqu'au 28 avril 2024 à la Wellcome Collection. L’entrée est gratuite pour tous.

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