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Les boutons de la couronne
l'incroyable budget lié au nouveau monogramme du Roi Charles III
Nous, froggies du Royaume-Uni, partageons avec les autres expatriés du monde entier le même amour, mais aussi la même mauvaise foi vis-à-vis de notre brumeux pays d’accueil. De notre côté « civilisé » de la Manche, en dépit de longues années passées sur place, les us et coutumes de nos voisins anglais nous surprennent, nous agacent, (nous éblouissent aussi secrètement) toujours autant. Et cela… depuis Azincourt dont tout le monde a oublié la date, mais dont les Anglais célèbrent et nous rappellent annuellement la victoire (et bien sûr, notre cuisante défaite) .
Aujourd’hui, c’est le nouveau monogramme du Roi Charles III qui est venu réveiller notre « joute » historique. Dévoilé il y a déjà quelques mois (le 26 septembre dernier), il va petit à petit remplacer les initiales de la Reine Elisabeth II ( E II R) et s’inviter un peu partout dans notre vie quotidienne britannique. Stylisé, comme pourrait l’être un logo sur un pot de Marmite, il donne de par sa police d’écriture, et la finesse ou l’épaisseur des traits, une indication de la personnalité du nouveau souverain.
« C III R», pour « Charles III Rex » ; le C pour « Charles» et le R pour le mot roi en latin, « Rex ». Comme pour sa mère et ses aïeux, le monogramme est surmonté d’une couronne, éternel symbole de la royauté. Charles a choisi celle des Tudor.
Dans les mois à venir, vous le verrez sur les drapeaux, les documents officiels, les timbres, les billets de banque, les blasons, les galons et même sur les 70 000 boîtes aux lettres rouges du Royaume ! Plus de la moitié d’entre elles ont été installées durant le règne d’Elisabeth II et affichent donc son monogramme à elle.
Elles seront remplacées au fur et à mesure de leur dégradation. Certaines datant du Roi Edouard VII et du Roi Edouard VIII (au règne pourtant si court) sont toujours en place !
A la veille de l’anniversaire du nouveau roi et de la revue des troupes (« Trooping the Colours » ce week-end du 17-18 juin 2023), c’est un défi gigantesque qui attend le groupe Kashket & Partners – l’entreprise qui depuis plus de cent ans confectionne les uniformes et les costumes royaux. Des dizaines de milliers de boutons devront remplacer ceux à l’effigie de la Reine sur des milliers de tuniques avant la relève de la garde sous le regard du Roi Charles et de son fils le Prince William. Des heures de travail intense et un budget colossal !
Kashket & Partners emploient environ 320 personnes. L’entreprise confectionne plus de 50 000 uniformes par an. Elle possède également l'usine de métallurgie militaire Firmin & Sons, qui fabrique tous les accessoires, des boutons aux casques. A noter, ce sont eux qui ont créé l'uniforme porté par le Prince William lors de son mariage.
L’ampleur de ces changements peut paraître dérisoire et exubérante à la fois (peu d’entre nous ont fait forger le visage du président de la République sur les boutons de nos pantalons !). Mais le symbolisme et l’apparat rendent la réalité (comme par exemple un changement de souverain) officielle. Si de simples accessoires comme des boutons ou des boucles de ceinture apparaissent comme des détails d’ordre purement cérémonial, ils ont pourtant leur utilité, un peu comme des marqueurs d’appartenance à un groupe. En coordonnant les apparences, ces détails créent un sentiment d’unité, et regroupent les individus en communauté. La répétition du motif (à chaque boutonnière, sur chaque insigne, blason, béret, sabre, tunique, manchette …)
À ces changements vestimentaires, ajoutons la version masculine de l’hymne national « God Save the King », les nouveaux timbres avec le visage du monarque tourné vers la gauche
(la tradition exige que le nouveau souverain regarde de l’autre côté que son prédécesseur), de nouveaux billets de banque et de nouvelles pièces de monnaie.
Dans une approche écologique, le Roi Charles III a choisi d’attendre l’écoulement des stocks de timbres à l’effigie de sa mère avant d’en faire imprimer de nouveaux. Les anciens boutons seront récupérés et fondus pour être refaçonnés. Ce qui ne pourra pas être transformé sera détruit pour que rien ne tombe « dans de mauvaises mains » avec le respect dû à la Reine Elisabeth II.
Nous les frenchies expats, avons survécu aux sandwiches au concombre, à la sauce à la menthe, au cricket auquel nous ne comprenons rien, et à tant d’autres supplices « very British »... Avouons aujourd’hui que malgré tout, nous nous sentons fort bien au pays des rosbeefs !