Microbiote : quand les promesses du microbiote traversent la Manche

En cet automne 2022 post-Covid, la crédibilité de nos systèmes de santé semble durablement ébranlée. Récemment secoués par des crises sanitaires majeures ils s’emploient donc aujourd’hui à restaurer la confiance des patients et des citoyens en général- en se fondant non sur des solutions miracle, mais sur les nouvelles valeurs émergentes de la médecine.

Ainsi, l’étude du microbiote - ce mystérieux et fragile écosystème jusqu’ici appelé « flore intestinale » - est devenue, ces dernières années, furieusement tendance ! Cela, des deux côtés de la Manche ainsi qu’à l’internationale.

Alors que depuis des années, la génétique régnait en Souveraine sur la recherche médicale, les scientifiques découvrent aujourd’hui, au fil des recherches sur le microbiote, que notre génome n’aurait pas un rôle aussi prépondérant que celui de notre délicate flore intestinale. Notre génome ne représenterait en réalité que 1/100 de notre patrimoine génétique réel. Il apparait clairement qu’il est aussi essentiel de prendre en compte le génome des populations bactériennes de notre système digestif.

Le tube digestif est notre interface de communication avec le monde extérieur. Sa flore constitue une première barrière contre les germes infectieux. En occupant le terrain, elle empêche le développement de microbes pathogènes. Elle permet aussi la digestion et la métabolisation des nutriments de notre alimentation. Cet écosystème est un véritable organe -non palpable certes- alors que son poids peut atteindre deux kilogrammes ! Elle produit de l’énergie, des vitamines, communique avec les autres organes. Ces bactéries bienfaisantes (dix mille milliards au bas mot) colonisent également notre peau, la bouche, le vagin et même les poumons sans nous nuire- donc sans signes infectieux.

En parallèle du « French Gut », projet français mené en partenariat avec des institutions publiques et des acteurs privés depuis septembre 2022 auprès de 100 000 volontaires (d’ici 2027), Tim Spector, spécialiste d’épidémiologie génétique à King’s College, présentait il y a 15 jours à Londres, ses travaux sur le microbiote de 230 paires de jumeaux.

Tim Spector

Ses expériences confirment que la composition de notre micro faune intestinale varie selon les individus et leur est propre (un peu à la manière de notre ADN) ; et que même celle des jumeaux homozygotes présente des différences majeures. L’organisme et le métabolisme de chacun étant différent, nous répondrons donc tous de manière « personnelle » à une alimentation ou un régime donné. Nous ne pouvons donc pas considérer les recommandations nutritionnelles standardisées comme bases inébranlables. Ces avancées scientifiques nous invitent à penser que le régime universellement bénéfique n’est qu’un fantasme. Elles ouvrent la voie non vers une alimentation génétique, mais vers une nutrition personnalisée

Selon Tim Spector, les milliards d’organismes – bactéries, virus, champignons et parasites –qui peuplent nos intestins et notre côlon jouent un rôle déterminant sur notre santé. Leur fonctionnement et leurs relations avec leurs hôtes sont complexes. Si nous ignorons encore à quoi ressemble le microbiote idéal, les différences entre la flore des individus en bonne santé et celle des malades sont significatives. Notre compréhension de cet univers jusqu’ici peu connu pourrait ainsi promouvoir une approche plus globale de la santé, prévenir l’apparition de certaines maladies, ralentir leur évolution, voire les guérir. Dans son nouveau livre « Food for Life » sorti le 25 octobre 2022, Tim Spector explique comment la gestion de notre microbiote (grâce à l’administration de probiotiques* et de prébiotiques* ou grâce à des techniques comme la transplantation fécale) pourrait offrir de formidables nouveaux espoirs diagnostiques ainsi que de nouvelles options thérapeutiques.

En effet, un déséquilibre (ou dysbiose) de la flore intestinale, avec une surreprésentation de certains micro-organismes au détriment d’autres, pourrait être à l’origine de nombreuses pathologies inflammatoires : maladies digestives (comme les rectocolites hémorragiques, Crohn …), métaboliques (obésité, diabète …), neurodégénératives (maladie de Parkinson, d’Alzheimer), respiratoires (asthme), anxiété, dépression ou troubles du développement (autisme par exemple)… L’influence de notre microbiote sur notre cerveau et sur notre système immunitaire semble, elle aussi, majeure. N’oublions pas que l’intestin grêle est le premier réservoir de cellules immunitaires de notre organisme !

En corrigeant les déséquilibres de notre patrimoine intestinal, les patients pourraient donc peut-être retrouver un état antérieur à leurs pathologies.

La flore microbienne se diversifie progressivement jusqu’à l’âge de 4 ans puis elle se stabilise. Mais, même à l’âge adulte, notre alimentation nous permet de garder une influence certaine sur sa composition.

L’ensemble de la recherche scientifique constate que notre microbiote s’appauvrit à une vitesse alarmante, en particulier dans les pays industrialisés. Parmi les responsables : le manque variété de notre alimentation, la surconsommation d’antibiotiques, la banalisation des césariennes, le rôle néfaste des aliments ultra transformés et de certains additifs alimentaires…

Pour préserver la diversité de notre fragile « bestiaire intestinal », sa richesse et donc sa capacité à protéger voire promouvoir notre santé il est essentiel d’adopter une alimentation variée, peu sucrée, riche en fibres, équilibrée et la moins transformée possible.

** Les « probiotiques »(comme les yaourts) sont des micro-organismes vivants (bactéries, levures…) qui impactent bénéfiquement sur notre organisme. Les « prébiotiques » sont des substances qui nourrissent la flore intestinale.