Exposition Van Gogh : du mouvement dans la couleur
Jusqu’au 19 janvier 2025, la National Gallery de Londres présente : “ Van Gogh: Poets and Lovers ”
– une exposition exceptionnelle où éclate le génie de l'artiste sous le soleil du sud de la France. Une cinquantaine de chef-d'œuvre (huiles et dessins dont certains n’avaient jamais quitté leur musée ou leur collection privée) sont réunis pour fêter le centième anniversaire de l’achat des légendaires “Tournesols” par la National Gallery.
Ils font partie d’une série de nature mortes qui expriment notre vanité face au cycle de la vie. Fleurs à la fois fragiles et robustes, elles apparaissent dans un vase émaillé à tous les stades de leur développement, de la floraison au flétrissement.
En une dizaine d’années à peine (de 27 à 37 ans) Vincent Van Gogh a réalisé plus de 2000 œuvres qui ont à jamais marqué l’histoire de l’art. Comme le montre avec puissance la National Gallery, son style unique et très personnel est nourri des bouleversements artistiques de l’époque. Ses œuvres fascinent le monde entier tout autant que sa personnalité.
Depuis l’enfance, le jeune Vincent est, en effet, dévoré par de profonds tourments – entre autres, par le souvenir du décès du frère dont il porte le prénom.
Petit à petit, il se rebelle audacieusement contre les conventions morales de son milieu social et se plonge frénétiquement dans le monde exaltant de l’art. Il lit Émile Zola, Victor Hugo, Dickens et à 27 ans, il se met à peindre – avec toute sa force physique, sans relâche !
Londres rend aujourd'hui hommage à son travail fébrile et à son parcours - de l’ombre à la lumière. L’exposition se concentre sur ses deux années provençales à Arles, puis à l’asile Saint-Paul, près de Saint-Rémy-de-Provence. Un séjour qui apparait aujourd’hui comme un moment de Grâce, car il y a produit ses toiles les plus célèbres.
“ C’est là que son art a pris une nouvelle amplitude, une nouvelle inventivité ” explique Christopher Riopelle co-commissaire de l’exposition. Le sud de la France est au cœur de ses œuvres et source de multiples variations.
Après ses premières peintures champêtres aux tons terreux des campagnes néerlandaises et belges, puis un court interlude en Angleterre, la palette de Van Gogh s’est éclaircie à Paris (en 1886) au contact des impressionnistes Monet et Cézanne, de Gaugin et Pissarro, des techniques pointillistes de Seurat et Signac. Très vite, il choisit d’animer ses peintures de touches allongées, épaisses presque pâteuses qui serpentent et sculptent la surface des tableaux.
Perçues comme grossières et granuleuses par ses contemporains, elles donnent de la texture à ses toiles et aux émotions qu’il y exprime. Son geste ondulant ajoute du mouvement aux paysages comme des vibrations, comme le souffle du vent dans les blés, dans les branches, dans les feuilles. Son expressivité célèbre la beauté et la luminosité “métaphysique” de la nature.
En 1874 il écrit à son frère Thèo : « Continue tes promenades et nourris en toi l’amour de la nature, c’est la meilleure manière d’apprendre tout ce qu’il faut savoir de l’essence de l’art. ».
Dans ses œuvres “françaises”, les couleurs contrastées dansent côte à côte telles des virgules ondulantes et rayonnent comme les émotions de l’artiste face à la nature. Il s’appuie sur une théorie scientifique qui juxtapose deux couleurs complémentaires pour créer un “choc visuel vivifiant”. Ainsi il associe souvent le bleu pour évoquer l’infini et le jaune, la joie solaire.
Ses lignes sont sobres, ses contours marqués, ses perspectives instables et ses images d’une grande simplicité…
Dans la mouvance du post-impressionnisme, son coup de pinceau est unique voire inclassable. À l'époque, il n’est pas apprécié de tous et se fait traiter de “fada” ! Ainsi, se sentant incompris et seul, il tombe en proie à une dépression profonde mais créatrice. Dans ses natures mortes, c'est l’absence qui exprime paradoxalement la présence…
Une simple chaise en paille vide, sur laquelle sont posées sa pipe et du tabac montre sa solitude avec plus de force qu'un auto-portrait triste et sombre. Sa petite chambre à Arles dans "la maison jaune" meublée avec un lit vétuste, son chapeau et quelques vêtements est un reflet introspectif de son âme grise, animée par des couleurs vives. Quelques peintures ( et un miroir bien sûr) lui offrent un calme rustique pour explorer son monde intérieur et son expressivité.
Dans le jardin de son hôpital, il peint des fleurs - de superbes iris bleus, des roses, des amandiers - qui semblent surgir de terre pour s’élever sereinement comme des symboles vers le ciel, vers l’épanouissement, l’espoir, la paix et la guérison.
Il peint les branches noueuses de l’olivier - symbole pour lui de paix, de sagesse et de persévérance… N’est-il pas le seul arbre à avoir survécu au Déluge ? Le signe biblique de la réconciliation entre Dieu, l’Homme, et la nature ?
Van Gogh se plait dans le midi, loin de la grisaille et de l’effervescence de la capitale. Il aime représenter l’abondance des champs de blé, les fleurs de tournesol tournées vers le soleil, la silhouette sombre des cyprès, les étoiles aussi et des portraits.
Le sien souvent pour étudier son âme, ses douleurs intérieures, son hypersensibilité ou peut-être aussi simplement pour économiser le prix d’un modèle !
Une exposition qu'il est bien difficile de quitter après le tourbillon de lumières et d'émotions qui vous transportent de salle en salle, de tableau en tableau jusqu'au plus profond de votre sensibilité.