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Odile Prévot, présidente de la FAFGB : Construire le nouveau plutôt que combattre l'ancien

Odile Prévot, présidente de la FAFGB : Construire le nouveau plutôt que combattre l'ancien

Avocate aux Barreaux des Hauts-de-Seine et de Londres, Odile Prévot incarne l'engagement associatif au service de la communauté francophone.

Jérémie Raude-Leroy
Membres Public

De retour à Londres après dix ans à Washington DC, elle préside depuis mars 2024 la Fédération des Associations Françaises de Grande-Bretagne (FAFGB), une institution créée il y a 80 ans qu'elle s'attache à moderniser et restructurer.

Un parcours marqué par l'engagement

Pour Odile Prévot, le bénévolat est une affaire de famille et dès ses études aux États-Unis, elle s'engage auprès d’une maison pour enfants déshérités - La Casa de los Ninos à Sacramento, ou elle fait ses études. Cette première expérience forge une conviction : celle de rendre ce qu'elle a eu la chance de recevoir.

Pendant dix ans, elle consacre son énergie à l'association de Serge Betsen en tant que CEO, effectuant de nombreux déplacements au Cameroun et au Mali. Durant cette période, elle prend des initiatives
majeures : elle met en place a Bamako une école dédiée à l'éducation des filles, répondant ainsi à un besoin crucial dans des régions du monde où l'accès à l'instruction reste limité pour les jeunes filles.

Parallèlement, elle lance une coopérative agricole destinée aux femmes rurales, leur offrant les moyens de développer leur autonomie économique et d'améliorer les conditions de vie de leurs familles. "J'ai vu en quelques années ce que je pouvais donner à des enfants, que ce soit par le biais de l'éducation ou par la santé", confie-t-elle. Ces projets concrets de l’association Serge Betsen Academy, qu'elle pilote de A à Z, lui permettent de mesurer l'impact tangible de son engagement. Cette expérience africaine lui révèle la puissance transformatrice du travail associatif et renforce sa conviction que l'action de terrain, lorsqu'elle est bien ciblée, peut réellement changer des destins.

De retour à Londres il y a quatre ans pour des raisons professionnelles, elle retrouve une ville qu'elle connaît bien, y ayant déjà vécu huit ans avant son séjour américain. C'est son parcours de bénévole qui la conduit à prendre la présidence de la FAFGB.

Reprendre les rênes d'une institution

En mars 2024, Odile Prévot hérite d'une situation complexe. La FAFGB, société à but non lucratif regroupant les associations françaises, souffre d'une gestion défaillante. "Il a fallu neuf mois pour récupérer les clés du camion", explique-t-elle, évoquant les difficultés administratives et financières rencontrées.

En janvier 2025, un nouveau conseil d'administration est élu, composé de financiers, de spécialistes de la philanthropie et de bénévoles expérimentés. Les comptes sont enfin récupérés en mars-avril 2025, un an après sa prise de fonction "Maintenant que nous avons les clés, nous pouvons enfin avancer et
donner toute l'ampleur nécessaire à nos projets", souligne-t-elle avec détermination.

Construire le nouveau plutôt que combattre l'ancien

Sa philosophie s'inspire de Socrate : "Le secret du changement consiste à concentrer toute son énergie, non pas à combattre l’ancien, mais à construire le nouveau." Un mantra qu'elle applique méthodiquement à la restructuration de la FAFGB.

Les actions menées sont nombreuses : mise en place d'un nouveau règlement intérieur, révision de la gouvernance, changement de comptable pour réduire les coûts, et surtout, refonte complète des statuts datant de 2008. "Ils sont totalement obsolètes", constate-t-elle.

Son ambition : transformer progressivement l'organisation en charity (association caritative britannique) pour pouvoir lever des fonds et gagner en crédibilité. "Aujourd'hui, l’un des défis majeurs de la FAFGB réside dans son statut juridique. Du fait de son statut de société britannique non for profit ( Company limited by guarantee) nous n'avons pas le droit de lever des fonds. Nous pouvons seulement recevoir des subventions et du sponsoring. Nous ne pouvons pas proposer de tax relief aux donateurs, ce qui complique considérablement notre capacité à attirer des soutiens financiers", explique-t-elle et rajoute « sans cet avantage fiscal crucial dans le système britannique, l'intérêt pour un donateur potentiel est limité ».

De 23 à 42 associations membres

À son arrivée, la FAFGB comptait officiellement 23 associations, mais toutes ne payaient pas leurs cotisations. Après un "nettoyage", et grâce à un travail de terrain, la fédération rassemble aujourd'hui 42 associations qui s'acquittent de leurs cotisations.

Les nouveaux administrateurs ont également dû accepter l'adhésion de petites sociétés commerciales, une disposition qu'il fallait valider par cohérence avec ce qui avait été accepté dans le passé par ses prédécesseurs. Ces petites entreprises, trop petites pour rejoindre la Chambre de Commerce franco-
britannique, mais désireuses de soutenir le tissu associatif français à Londres, s'acquittent d'une cotisation annuelle de 80 £ au lieu des 40 £ demandées aux associations. Cette différence tarifaire reflète leur nature commerciale tout en leur permettant de contribuer activement à la vie de la communauté française.

Soutenir les associations au quotidien

Pour Odile Prévot, la mission de la FAFGB est claire : "Soutien, communauté, francophonie." Ces trois mots résument sa vision. Concrètement, elle met son expertise juridique au service des associations membres pour les aider sur leurs règlements intérieurs et leurs statuts.

La fédération organise également des ateliers d'échanges de bonnes pratiques, comme celui prévu le 29 novembre sur la biodiversité. "On ne fait rien quand on est tout seul, tous ensemble, on arrivera beaucoup mieux", affirme-t-elle.

Une innovation majeure : la FAFGB peut désormais porter une association ne remplissant pas tous les critères requis par le gouvernement français pour obtenir un financement STAFE (Soutien au Tissu Associatif Français à l'étranger). Un dispositif qu'elle compte surveiller de près, consciente de sa responsabilité.

Des événements qui fédèrent

Le salon annuel des associations, qui s'est tenu le 4 octobre 2025, a connu un franc succès avec une "superbe ambiance" et d'excellents retours de la part des participants. "Les gens se sont vraiment parlés, ont échangé, créé des liens, un salon vivant et sympathique, une ambiance extrêmement conviviale ", se réjouit-elle avec enthousiasme. Cette belle dynamique a encouragé l'équipe à poursuivre sur cette lancée : la date du prochain forum est déjà arrêtée pour le 3 octobre 2026, promettant une nouvelle édition riche en rencontres et en collaborations fructueuses pour l'ensemble de la communauté associative française à Londres.

Parmi les sponsors fidèles, Wine Story de Thibault Lavergne fournit le vin et le fromage. Cette année, la Maison Paul et the french pharmacy ont également apporté leur soutien.

Des partenariats stratégiques

La FAFGB collabore avec plusieurs acteurs clés de la communauté française à Londres : le consulat, qui vient présenter ses services lors du forum pour éviter aux Français des déplacements inutiles ; la Chambre de Commerce franco-britannique, avec laquelle un partenariat permet aux membres d'accéder à certains événements ; et francaisalondres.com pour la visibilité médiatique.

Au-delà de Londres, la fédération commence à étendre son périmètre et est en pourparlers avec l'arrivée probable d'Invisible Cities, une association basée à Édimbourg.

Une organisation en transformation

Parallèlement à son engagement à la FAFGB, Odile Prévot siège également au conseil d'administration de la Fondation de France UK, lancée en janvier 2025 et en cours d'enregistrement auprès de la Charity Commission. Le premier gala, organisé en octobre, a réuni francophones et anglophones dans une soirée couronnée de succès.

Comment concilie-t-elle vie professionnelle d'avocate et multiples engagements associatifs ? "C'est une question d'organisation", répond-elle simplement. Entre midi et deux heures, elle s'impose désormais
une pause obligatoire pour se consacrer soit au sport, soit au bénévolat.

L'héritage à construire

Son mandat est d'un an renouvelable deux fois. Après avoir été reconduite une première fois, elle pourrait l'être une dernière fois en janvier 2026. Que souhaite-t-elle laisser en héritage ? "Une organisation qui tient la route, structurée, qui inspire confiance et qui soit sur la bonne voie pour un jour être transformée en charité. Nous en avons discuté le 6 octobre lors de l’ assemblée générale des associations ». Le processus d'enregistrement auprès de la Charity Commission prenant désormais jusqu’ a 18 mois, son successeur héritera d'un dossier prêt à être déposé, avec des statuts conformes intégrant un "objet social charitable".

Comme elle le dit avec une pointe d'humour : "Cette vieille dame est en train de se faire un bain de jouvence. Je vais espérer qu'elle gagne quelques années et qu'elle sera bientôt en pleine forme."

À 80 ans, la FAFGB entame ainsi un nouveau chapitre de son histoire, portée par une présidente déterminée à lui redonner ses lettres de noblesse au service de la communauté francophone de Grande-Bretagne.


Sources : Interview réalisée le 8 octobre 2025 avec Odile Prévot, présidente de la Fédération des Associations Françaises de Grande-Bretagne.

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