Conférence "Anxiété et Nutrition" à Londres

" Dans de trés nombreuses pathologies anxieuses, la nutrition est souvent le symptôme le plus évident, celui qui masque un autre problème (stress professionnel, difficultés scolaires, bullying...), comme un iceberg.
L'alimentation apparait alors soit comme un signe d’anxiété, soit une cause d’anxiété.

Les troubles alimentaires (TCA) ne sont pas toujours facilement ni immédiatement visibles.
Les patients – quel que soit leur âge – développent des stratégies très ingénieuses pour cacher leur malaise et les symptômes physiques comme les variations de poids (les adolescents porteront des vêtements oversize, des couleurs ternes, des sweatshirts à capuche ; ils éviteront les couleurs vives ; ils trouveront des excuses pour manger séparément, dans leur chambre…).

SIGNES qui doivent alerter

Les aspects visibles d’un trouble alimentaire incluent généralement :

  • Un changement de poids (manger trop ou pas assez dépendra de la stratégie du patient).
  • Un changement d’appétit, qu’ils cacheront autant que possible pour éviter les questions et les tensions familiales.
  • Des problèmes de concentration, qui peuvent se manifester par une baisse des résultats scolaires, des performances professionnelles, de la motivation générale. En effet, pour le corps, les fonctions vitales sont une priorité par rapport aux fonctions intellectuelles. Il utilisera donc ses réserves d’énergie pour faire battre le cœur plutôt qu'alimenter et dynamiser le cerveau. Penser, mémoriser ou se concentrer devient difficile, les fonctions sont ralenties. Ces difficultés augmentent bien sur d'avantage l’anxiété de départ.
  • Des changements d’attitude :
    • Ils commenceront à cuisiner leurs propres repas et même ceux des autres pour contrôler les quantités et les ingrédients.
    • Ils préféreront manger séparément.
    • Ils introduiront des restrictions alimentaires spécifiques (par exemple, ils réduiront les glucides -les produits sucrés et les féculents comme les pâtes et les pommes de terre-, les acides gras comme l’huile et le beurre ; ils commenceront à compter les calories de manière systématique voire obsessionnelle, et petit à petit ils vont s'isoler.
anxiété et isolement

Les restrictions rassurent les patients mais sont également une source de stress. Les anorexiques ont l'impression que les portions sont toujours trop importantes et qu’ils pourraient toujours manger moins.
Ils passeront des heures sur les réseaux sociaux à se comparer aux autres, ce qui sera une nouvelle source d’anxiété.
Et enfin, ils perturberont leur entourage avec d'incessantes et brutales sautes d’humeur !

SYMPTÔMES PHYSIQUES

Les patients ressentiront des symptômes physiques de plus en plus désagréables et s’en plaindront volontiers…

  • Une fatigue croissante, ce qui est logique en raison de leur nutrition appauvrie en énergie.
  • Des ballonnements (dus à de mauvais choix alimentaires).
  • Des crampes (provoquées par l’anxiété ou la faim).
  • Des carences enzymatiques progressives avec des difficultés croissantes à métaboliser les protéines ou les lipides, ce qui causera un inconfort digestif supplémentaire.
  • Des changements dans leur microbiome, causant une éventuelle dysbiose.
  • LA NUTRITION COMME LANGAGE
des mots sur les maux

Tout cela est très difficile à verbaliser avec des mots. Les mots peuvent être trop douloureux à exprimer (car ils renvoient à un événement douloureux ou à une réalité quotidienne désagréable…).
Parfois, les émotions qu’ils ressentent ont été refoulées assez longtemps pour devenir inconscientes. Ne pouvant plus s'exprimer avec le langage, elles se manifestent par des symptômes physiques ou psychiques.

La nourriture devient alors un langage, un moyen d’expression et de communication :

  • les patients se privent pour disparaître et ne plus être une cible.
  • OU ils se "gavent" pour se protéger – en utilisant le poids supplémentaire comme une armure, comme une protection physique.

Et quand la stratégie fonctionne, elle devient addictive : ils ont l’impression de regagner une forme de contrôle sur leur vie. Alors, ils mangent de moins en moins OU de plus en plus.
Contrôler leur alimentation leur donne l’impression d’être moins vulnérables, moins fragiles, plus imposants ou plus transparents. Se sentir invisible les protège des jugements et des commentaires négatifs.

Ils peuvent aussi manger de plus en plus dans le but de combler un vide émotionnel, un manque. Ils se sentent toujours coupables de leur hyperphagie et se font parfois vomir ou utilisent des laxatifs…

CONSÉQUENCES

Les conséquences physiques

Elles sont nombreuses et incluent : perte ou gain de poids, déficiences en micro et macro-nutriments, troubles cardiaques, immunité fragilisée, aménorrhée (cycle des règles irrégulier ou absent), fatigue chronique, inconfort digestif (faim, nausées, crampes, ballonnements, constipation, difficultés d'absorption...), peau sèche, perte de cheveux...

Conséquences psychologiques

Les conséquences psychologiques sont constantes, quotidiennes, obsessionnelles et une véritable torture quotidienne.
Les patients souhaitent ardemment aller mieux, arrêter de vomir, mener une vie sociale normale, retrouver leurs règles MAIS ils n’ont pas suffisamment de confiance en eux pour revenir à une vie plus saine et affronter leurs peurs.
Cette ambivalence devient alors une cruelle source d’anxiété.

Ils commencent à développer des problèmes d’image corporelle, avec une vision déformée d’eux-mêmes. Dans l’anorexie, ils se voient gros alors qu’ils sont dénutris.
Cette détresse liée à l'ambivalence de leurs sentiments, peut les conduire à la dépression.

Il est du ressort du psychiatre et de l’équipe psychologique de les aider à restaurer leur confiance en eux et leur santé mentale.

Le but de la diététicienne est de rétablir la santé physique des patients, de les amener à ne plus voir l'alimentation comme une ennemie, de redécouvrir la nourriture comme une délicieuse alliée." 

Francine Joyce - conference du 21/11/2024 au Rembrandt Hotel