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Exposition Keifer, l'influence obsessionnelle de Van Gogh
Keifer " Never More " 2014 à la Royal Academy - Photo F. Joyce

Exposition Keifer, l'influence obsessionnelle de Van Gogh

La Royal Academy expose Anselm Keifer sous un angle audacieux qui fait écho à notre époque tourmentée en quête de lumière.

Francine Joyce
Membres Public

Anselm Keifer est un artiste allemand contemporain célèbre pour ses oeuvres monumentales qui mêlent passé et présent, beauté et terreur. Ses peintures sont denses, puissantes et “cérébrales”. Or, la Royal Academy a choisi d’exposer sa passion pour LE peintre de la lumière et du vertige des émotions Vincent Van Gogh.

Exposition Keiffer à la Royal Academy - photo F Joyce

Le parallèle est surprenant, voire troublant. Il trouve son origine dans la réelle passion de Keifer pour les impressionnistes. Peut-être recherchait-il chez eux un apaisement à ses démons intérieurs, à un besoin philosophique et politique de rendre hommage aux victimes du tout récent holocauste.

"The Last Load" Keifer 2019 - photo F. Joyce

 En 1963, grâce à une bourse d’études, le jeune Keifer part sur les traces de Van Gogh. Il quitte l’Allemagne avec une trousse de pinceaux, des pigments et un épais carnet de notes. Son but, comprendre d’où les impressionnistes puisaient leur inspiration, et aussi s’imprégner lui-même de l’environnement de Van Gogh, se connecter avec le tourbillon d’émotions qui habite toutes ses toiles.

Ainsi Anselm découvre à 18 ans à peine, la Belgique, les Pays Bas, Paris, la Provence… Ces paysages lui apparaissent comme des territoires inexplorés et plein de promesses. Mais il est vite saisi par l’incertitude. En un siècle depuis la mort de Van Gogh, beaucoup de choses ont changé. Les fermiers portent des tenues de ville. Ils regardent la télévision. Ils ne ressemblent pas vraiment aux paysans du 19è éreintés par le travail dans les champs. Seule la nature a gardé cette qualité “primitive”. Il entend le bruissement des épis de blé sous le vent, il ressent la chaleur du soleil qui fait blanchir le toit des maisons. Il regarde les cyprés sous le ciel bleu et la lumière fluctuante entre les feuilles d’arbre.

De retour chez lui, il entreprend de “revisiter” les œuvres de Van Gogh, sans les copier mais en y mêlant ses questionnements sur la condition humaine et sa propre vision du monde. Or celle-ci est sombre et marquée par la guerre. Ici les tournesols brillent d'une lumière noire. Ils semblent puiser leur sève dans le corps d'un homme sans vie étendu à leurs pieds.

les Tournesols de Keiffer 2007 - photo F. Joyce

Ce que Keifer exprime dans ses toiles c’est sa difficulté à se sentir légitimement artiste dans son pays, dans cette Allemagne qui a imposé tant de souffrances autours d’elle. Les perspectives de ses peintures sont poétiques mais tourmentées.

"Starry Night" version tourmentée de Kiefer 2019 qui reprend le halo d'étoiles en "S" de Van Gogh - photo F. Joyce

Ainsi les tableaux gigantesques présentés dans l’exposition de la Royal Academy impressionnent par leur puissance mais ils contrastent avec les peintures de Van Gogh exposées sur les murs d’en face et qui malgré leur petite taille dégagent une harmonie mélodieuse et émotionnelle. Ses coquelicots éclatants qui ondulent sous une brise légère et chaude vibrent de vie. La version de Kiefer du même champs de fleurs dégage une poésie d'une froideur métallique malgré les tonalités dorées et les taches de bleu turquoise.

Le musée tente mais ne parvient pas vraiment à créer un lien cohérent entre les deux artistes. Les célèbres vieux souliers de Van Gogh sont censés faire écho aux pieds nus des déportés de la seconde guerre mondiale dont Keifer veut raviver la mémoire... la pile de livres sur le bureau doit elle évoquer une pile d'histoires oubliées ... le lien est fragile et bien flou. Van Gogh n'a pas connu Auschwitz !

"Chaussures de Van Gogh 1886 - photos F. Joyce

Mais l'exposition est saisissante. Elle permet de mieux connaitre Anselm Keifer qui à ce jour reste un artiste secret, énigmatique et fascinant.

"Kiefer / Van Gogh"

A la Royal Academy de Londres

du 28 juin au 26 octobre 2025

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