Plastique : on vous a menti !

Son ouvrage aurait pu s’intituler “L’adieu Impossible” ! Saabira Chaudhuri reporter pour le Wall Street Journal, présentait hier à la presse londonienne un état des lieux puissant, courageux, alarmant et surtout transparent sur la place du plastique dans notre quotidien. Troisième matériau le plus fabriqué au monde, il est devenu essentiel à nos sociétés modernes.

photo F. Joyce

Il est en effet, le nouveau conquérant du Monde car il est partout : sur la terre, à mille lieux sous les mers, dans l’air que nous respirons et même dans les tissus du corps humain. Certes il a sauvé les éléphants en remplaçant avantageusement l’ivoire des claviers de pianos et des boules de billard. Ainsi, comme le souligne The Economist dans son article du 19 avril dernier (“In Praise of Plastic”), il a changé nos vies de fond en comble. Vêtements, jouets, équipements électroniques, emballages alimentaires, tapis, contiennent aujourd’hui du plastique. Mais ce que nous savons de lui manque de neutralité car les données recueillies sur ses caractéristiques sont pour la plupart, issues des industries qui le produisent. Or, des milliards de nanoparticules de plastique s'abattent quotidiennement sur notre capitale et dans le monde entier.

Le reportage trés documenté et surtout neutre de Saabira Chaudhuri nous éclaire donc sur l’impact invisible de ce “caoutchouc, pas vraiment super doux”.

Saabira Chaudhuri - photo F. Joyce

“ Avez-vous remarqué - nous dit-elle - que les petits enfants sont propres de plus en plus tard ? Savez-vous que le sachet “biodégradable” pour les crottes de votre chien ne mettra pas 3 mois mais 5 ans à disparaitre ? Êtes vous conscients que vos ustensiles de cuisine “noir design” sont fabriqués avec un mix de bouteilles de shampooing ou d’eau de Javel ? L’impact du plastique sur les milieux naturels n’est plus à démontrer ; son influence invisible sur notre santé physique et mentale reste sous-évaluée.

L’exemple des couches culottes est frappant. Leur étanchéité est devenue si performante grâce aux fibres plastiques que les enfants ne ressentent plus l’inconfort de l’humidité. Ils perdent leur motivation pour utiliser le pot. L’âge de la propreté est ainsi passé de 12-18 mois à 3 / 4 ans aujourd’hui.

Dans les années 1970s, quand les grandes sociétés comme Coca-Cola et Pepsi ont pris conscience du tsunami de bouteilles à usage unique qu’elles produisaient et qui s’accumulaient dans les poubelles, elles ont proposé la solution du recyclage pour résoudre le problème. Quatre décennies plus tard, donc aujourd’hui en 2025, la situation est identique, la production de plastique continue de croitre et le discours des industriels n’a pas changé.

Seules les bouteilles en PET (polyéthylène téréphtalate), soit 1 à 2 % des plastiques, sont réellement recyclées. 34% des déchets en plastique sont incinérés. Ce processus génère des émissions toxiques et libère du CO2. 16% sont enterrés (sous des bâches en plastique !). Quant aux plastiques biodégradables à base de maïs ou de canne à sucre, ils vont se fragmenter en micro et nano particules qui vont se diffuser partout. Le problème de cette matière légère est qu’elle ne réintègre aucun des cycles biochimiques (comme celui de l’eau ou du carbone) qui assurent la stabilité des écosystèmes de notre planète. On en trouve aujourd’hui en haut de l’Everest, sous la banquise Arctique, dans le placenta des femmes enceintes, les testicules des hommes, les poumons des enfants. Trés persistants, ces minuscules fragments traversent les barrières biologiques et sont quasiment impossible à éliminer. Nous en ingérons environ 5 grammes par semaine. Les effets toxicologiques et physiologiques sur les humains ne sont pas encore quantifiés mais le foie, le cerveau et le système reproducteur des animaux étudiés montrent des dommages en lien avec la pollution plastique.”

Pourquoi le taux de recyclage est-il si désespérément bas malgré tous nos efforts ?

La raison principale est la contamination. Nettoyer et trier des plastiques usagés est bien plus coûteux qu’en fabriquer des neufs. Les sachets dits biodégradables pour déjections canines ne disparaissent pas magiquement dans le sol. Ils ne peuvent se décomposer que dans des installations de compostage spécifiques et uniquement si ils ont étés lavés de leurs crottes. Seul le Canada accepte de traiter ces sacs sales. A chaque plastique, son usine de recyclage. Les emballages alimentaires ne sont jamais recyclés. Ils sont tous neufs.

Parmi les solutions, le retour au papier prôné par beaucoup est loin d'être idéal pour des raisons environnementales (déforestation, consommation intense d'eau et d'énergie). Mac Donald avait tenté de remplacer les enveloppes en plastique de ses hamburgers par du carton mais en raison des coûts bien plus élevés, ses actionnaires ont voté le retour au plastique."

Que faire ?

" A l'échelle individuelle, nous avons un réel impact. Renoncer au look cool du café on-the-go dont on jette négligemment le gobelet dans la première poubelle. Rien ne vaut un expresso dans une tasse en porcelaine, assis(es) au calme. Evitez les bouteilles et contenants à usage unique. Plutôt que remplacer les couches par du tissu, apprenez la propreté à votre enfant le plus tôt possible - les japonais commencent à 6 semaines !!! Nous battre surtout pour que les gouvernements imposent des lois de recyclage systématique même si ces procédés conduisent à des augmentations tarifaires. C'est l'un des prix à payer pour sauver notre santé et notre planète"

Pour ne pas devenir des consommateurs "ultra-transformés" : "Consumed" de Saabira Chaudhuri à paraitre le 22 mai 2025 chez Bonnier Books ltd