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Afficher les calories sur les menus : bonne idée ou absurdité ?
Pour le gouvernement Britannique « Connaître le contenu de son assiette est un droit »
Depuis le 6 avril 2022 en Angleterre, les établissements de restauration de plus de 250 employés doivent indiquer la teneur calorique des plats à la carte et au menu. Cette obligation concerne les restaurants, (leurs sites web et leurs produits à emporter) – ainsi que les applications type Uber Eats et Deliveroo. Elle couvre les plats servis en salle, mais aussi les aliments emballés et les boissons non alcoolisées.
Le but de cette nouvelle loi est « pédagogique ». Le gouvernement britannique vise à réduire l’obésité en aidant les Anglais à faire des choix informés et plus sains.
Selon le National Health Service plus de 60 % des adultes au Royaume-Uni sont en surpoids ou obèses. Ils peuvent déjà depuis longtemps lire la valeur nutritionnelle des aliments sur les étiquettes des produits lorsqu’ils font leurs courses. Ceux qui souffrent de diabète, d’hypertension, de cholestérol pourront désormais aussi choisir au restaurant les options les plus adaptées à leur condition.
« cela me rassure de voir ces chiffres » nous dit Emilie M « je n’aime pas choisir à l’aveugle sans avoir une idée du nombre de calories dans mon assiette ; ne pas savoir me fait culpabiliser, car j’ai peur d’avoir trop mangé »
Maggie Throup, ministre de la Santé, estime en effet, que « manger sainement commence par la connaissance du nombre de calories contenues dans les aliments ». Elle espère aussi que cette nouvelle loi incitera les restaurateurs et leurs cuisiniers à adapter leurs recettes.
L’intention est pieuse, mais l’affichage des calories sur les menus ne fait pas l’unanimité.
Diététiciens et psychologues s’accordent à dire que le recours à la peur (de grossir) pour promouvoir une nouvelle façon de manger ne peut qu’augmenter la confusion et l’anxiété alimentaire. C’est à leurs yeux une approche culpabilisante, moralisatrice et à l’encontre d’une relation saine avec l’alimentation.
De plus, le nombre de calories n’indique pas si le plat est sain ou pas. Un aliment peut être riche en calories et pourtant bénéfique pour la santé : ainsi l’huile d’olive (hautement calorique) est un allié contre les maladies cardiovasculaires ; à l’inverse, trop de crudités (très faibles en énergie) peuvent causer une multitude de symptômes digestifs de type inflammatoire.
Dans les années 80, le diable, c'était le gras, puis le sucre, puis les aliments « transformés » ; aujourd’hui c’est la valeur calorique.
Certes, quand on suit un plan hypocalorique à 1 500 kcal par jour, il est frappant de savoir qu’une Forêt Noire contient environ 500 kcal. Ce type d’information est un outil intéressant. Mais il a ses limites, car il ne prend pas en compte la composition et donc la qualité des produits. 100 kcal d’épinards ne sont pas équivalents à 100 kcal de Millefeuille ou de Croustilles ! À calories égales, ils n’auront pas le même impact sur votre santé ni votre silhouette. Peu de chance pour que votre assiette de salade descende directement sur vos hanches ! En revanche, le gâteau…
Savez-vous ce qu’est une calorie ?
Une calorie est une unité de mesure mise au point à la fin du XIXe siècle. C’est la quantité de chaleur nécessaire pour faire monter d’un degré Celsius la température d’un gramme d’eau. Devenue système international, elle permet de quantifier l’énergie contenue dans les aliments (9 kcal pour 1 g de lipides ; 4 kcal pour 1 g de protéines ou de glucides ; 7 kcal pour 1g d’alcool). Très scientifique, mais tellement compliqué et déprimant quand on veut juste se détendre et se régaler chez Raymond Blanc, restaurants gastronomiques à Londres ou tout simplement au salad bar en-dessous de la maison.
Pour Samuelle, « il y a une grande différence entre faire attention aux calories au quotidien et quand on sort. Pour la cuisine de tous les jours, je choisis des produits le plus sains possible, bons, mais pas trop riches en calories. Quand je vais au restaurant, c’est festif ; c’est pour me faire plaisir, pour me régaler et passer un bon moment en famille ou entre amis. Je ne prendrai pas 3 desserts bien sûr mais je ne regarderai même pas combien de calories contient celui que j’ai commandé. »
Pour Valérie : « je trouve cette information intéressante, mais ça ne m’empêchera pas de prendre le tiramisu dont j’ai rêvé dès que j’ai réservé la table ! Quand je sors, ce n’est pas pour me sentir frustrée ! »
Tout quantifier pour rester en forme (calories ingérées, brûlées, cuisinées à haute température, chauffées à haute pression, absorbées ou pas) n’est en effet pas un si bon calcul et peut rapidement transformer le plaisir en obsession, conduire à des restrictions et des frustrations puis à des compulsions alimentaires… peut-être même une prise de poids. Les multiples outils numériques mesurant nos efforts sportifs et alimentaires ont fait de la santé une poursuite d'objectifs chiffrés illusoires, sans nuances, sans aucune humanité et dangereux en cas de trouble du comportement alimentaire (anorexies surtout). À vouloir tout calculer et tout contrôler, on oublie le plaisir de l'aliment. On se coupe de l'aspect multi-sensoriel et social de l'alimentation. Cette frustration sera plus tard compensée par des comportements compulsifs, du « emotionnal eating » qui ruineront vos efforts et vos tristes restrictions.
Et puis surtout, nous ne digérons pas tous de manière identique car nos métabolismes sont différents. L’énergie que nous retirons d’un repas varie considérablement d’une personne à l’autre. Certains n’absorbent que 2/3 des calories théoriquement disponibles dans l’aliment. Cette différence d’absorption peut varier de 600 calories par jour pour des individus de même âge, même sexe et avec un mode de vie similaire.
Les études récentes pour expliquer ce phénomène s’orientent vers un rôle majeur du microbiote et recommandent de laisser tomber « la chasse aux calories » ! Même le système ProPoints de Weight Watchers intègre maintenant la qualité sensorielle des denrées ainsi qu’un indice de rassasiement.
Du côté des restaurateurs, cette nouvelle réglementation est une exigence inaudible : en quelques années, leurs contraintes de « transparence » se sont accumulées : obligation d’indiquer les allergènes, l’origine des denrées, les plats vegan, les smiley faces pour les produits bio et l’hygiène… Ajouter la valeur calorique, c'est -selon eux - les transformer en improbables « microbiologistes » en « diététiciens ».
Bien sûr, cela ne veut pas dire que le sain et le savoureux ne peuvent jamais aller de pair. Mais gardons à l’esprit que « le plaisir en bouche et en bonne compagnie dispense de la calculette » et c’est une spécialiste de la gestion du poids qui vous le dit !