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Pourquoi voir l’exposition Yoko Ono : Music of the Mind ?

Pourquoi voir l’exposition Yoko Ono : Music of the Mind ?

En consacrant une rétrospective au travail de Yoko Ono, la Tate Modern s’attaque à un mythe : celui de « la plus célèbre artiste inconnue du monde ». Voici 5 bonnes raisons de découvrir pourquoi.

Anne-Sophie Segondat
Membres Public

1 : Parce que Yoko Ono est bien davantage que la veuve de John Lennon

En sortant de l’exposition « Music of the Mind », on se demande si la rencontre de Yoko Ono avec John Lennon en 1966 n’aurait pas quelque peu nui à sa carrière. Depuis lors en effet son œuvre novatrice et radicale a été très largement éclipsée par l'homme qu'elle a épousé. Le mythe voudrait qu’elle soit à l’origine de la séparation des Beatles, mythe auquel beaucoup croient encore aujourd'hui. Rappelons qu’appeler quelqu'un « Yoko » est toujours un terme très désobligeant synonyme de femme autoritaire qui étouffe les réussites de son partenaire et corrompt ses amitiés. Cette réputation a fait oublier qui était vraiment Yoko Ono. L’exposition revient sur la carrière aussi prolifique qu’éclectique de l’artiste americano-japonaise qui dès le début des années 60 fut une figure très respectée de l’avant-garde tokyoïte et new-yorkaise. Pionnière de l'art conceptuel et participatif elle fut également engagée dans la musique expérimentale et une membre influente du collectif Fluxus (un mouvement d’art artistique émergé à New York dans les années 1960 qui prône le non-art ou l’anti-art et qui inaugure l’art contemporain).

2 : Parce que c’est la plus grande rétrospective jamais consacrée à l’artiste

Couvrant sept décennies de pratique multidisciplinaire de Yoko Ono, du milieu des années 1950 à aujourd'hui, « Music of the Mind » est la plus grande exposition jamais organisée au Royaume-Uni sur l'artiste américano-japonaise. La Tate rassemble plus de 200 œuvres allant de la photographie au film en passant par les installations et la musique et révèle une approche radicale du langage et de l'art. La grande force de cette exposition est d’honorer toutes les facettes de cette artiste si polyvalente dont l’approche participative et les œuvres conceptuelles ont bouleversé durablement la relation entre l'artiste et le public.

3 : Parce que c’est une pionnière de la performance et de l’art conceptuel

Dans un récit chronologique, l’exposition nous emmène de l'enfance d'Ono à Tokyo, au Japon (où elle est née en 1933), à son évacuation à la campagne pendant la Seconde Guerre mondiale, puis à son installation à New York au milieu des années 1950, où elle conçoit ses premières œuvres. Très rapidement les idées vont être au cœur de son art, idées exprimées de manière poétique, humoristique ou parfois même absurde. Très influencée par Dada et Marcel Duchamps, elle participe dès la fin des années 1950 à la remise en question des pratiques traditionnelles de la création artistique au contact du musicien John Cage et de George Maciunas, l’instigateur du mouvement Fluxus. L’exposition explore le rôle central d’Ono dans les cercles de l'avant-garde expérimentale à New York et à Tokyo, y compris le développement de ses « instructions pieces » - de courts textes en forme de mode d’emploi - dans lesquels elle encourage les spectateurs à réaliser eux-mêmes les œuvres. Certaines de ces instructions présentées à la Tate prennent la forme d'un seul verbe, comme "Voler" ou "Toucher" ; d'autres sont de courtes phrases comme « Écoutez les battements de votre cœur », d’autres enfin font appel à l'imagination comme « Une peinture à construire dans votre tête ».
Pour Ono, il est très important de rendre l’art accessible à tous, en dynamitant le mythe de l’artiste tout-puissant. Elle délègue aux visiteurs une responsabilité dans la fabrication de ses œuvres : au lieu d’être des objets sacrés elles deviennent des constructions éphémères de communication. Or à l’époque cette posture est qualifiée de révolutionnaire dans le domaine des arts.
Parmi les œuvres phares exposées, Cut Piece (1964) est une performance qui s’imposera comme l’un de ses plus grands succès : agenouillée sur scène, face au public, assise à même le sol dans la posture traditionnelle de la femme japonaise, Ono impassible invite les spectateurs à découper des morceaux de ses vêtements à l’aide d’une paire de ciseaux. Mettant en scène la vulnérabilité du corps et l’intimité outragée, cette performance a été perçue comme un manifeste féministe contre la violence masculine à l'égard des femmes et a connue un grand retentissement dans le monde de l’art.

4 : parce que c’est une artiste engagée

Si les premières créations d’Ono prêtent souvent à sourire, plus on avance dans le temps plus elles sont empreintes de gravité. L'art conceptuel des années 1960 fait place à l'art militant des années 1970. Ses oeuvres deviennent un medium pour exprimer son militantisme anti-guerre. C'est également à cette époque que sa relation avec John Lennon prend le pas sur sa propre identité d'artiste. Ensemble ils vont collaborer sur plusieurs œuvres : Acorns for Peace, à l’occasion de leur mariage en 1969, lorsqu’ils envoient des glands à 96 chefs d'état avec un message de paix. Le cadeau est purement conceptuel mais la célébrité internationale du couple le transforme en politique active. Plusieurs réponses manuscrites sont ici exposées. De même, le film Bed Peace de 1969 qui retrace le deuxième des célèbres « bed-in » organisés par le couple durant leur lune de miel à Amsterdam et à Montréal. Installés dans un lit géant ils s’adressent aux médias du monde entier pour promouvoir la paix dans le monde en pleine période de guerre du Viêt Nam.  
Recherche de l'harmonie toujours avec cette œuvre/campagne d'affichage « WAR IS OVER » (si vous le voulez) qui utilise le langage publicitaire pour diffuser un message de paix. Cette obsession trouve très certainement son origine dans l’enfance de l’artiste. Yoko Ono a en effet grandi dans le sillage nucléaire de la Seconde Guerre mondiale, une époque qui a ravagé son pays lorsque les bombes atomiques se sont abattues sur Nagasaki et Hiroshima alors qu'elle n'avait que douze ans. Même après l’assassinat de Lennon l’appel à la paix restera un des thèmes de prédilection d’Ono. L'exposition se conclut par l'une des œuvres les plus récentes et les plus significatives de l’artiste Add Colour (Refugee Boat), activée pour la première fois en 2016 : une barque échouée, évoquant la tragédie des migrants, au milieu d'une salle blanche où les visiteurs sont invités à utiliser des feutres bleus pour écrire des messages sur la petite embarcation, sur les sols et sur les murs tout en réfléchissant aux questions urgentes de la crise et du déplacement.

Add Colour (Refugee Boat),

5 : Parce que le visiteur ne fait pas que regarder : il participe

« Music Of the Mind » n’est pas une exposition classique où il est attendu des visiteurs qu’ils regardent les œuvres sans les toucher. Bien au contraire ils sont invités à prendre une part active. Le ton est donné avant même d'entrer dans l'exposition proprement dite avec l’arbre à souhait : des oliviers disposés dans l'espace commun de la Tate sur les branches desquels les visiteurs peuvent accrocher leurs messages d’espoir sur une étiquette. Fidèle au principe même du travail d’Ono, l’implication est le fil conducteur de cette exposition. Au fil des salles, l’artiste donne des instructions au spectateur : jouez aux échecs avec des pièces entièrement blanches jusqu'à ce que vous ne puissiez plus vous rappeler où sont vos pièces (White Chess Set de 1966), enlevez vos chaussures et rentrez dans un sac de tissu noir pour être transformé en sculptures changeantes, plantez un clou sur une toile vide, ajoutez de la couleur à un bateau blanc, écrivez un message à votre mère…  
L’exposition est ponctuée par des éléments tactiles et interactifs et c’est sa plus grande force : des écouteurs dans les salons sonores aux poufs disposés devant des écrans passant des films hypnotiques, des marqueurs bleus mis à disposition du public pour dessiner sur les murs ou des papiers laissés blancs sur lesquels vous pouvez laisser des souvenirs de vos mères fixés sur des toiles. Non seulement les visiteurs participent à la création des œuvres, mais ils peuvent aussi en emporter une petite partie : l’installation Helmets (Pieces of Sky), vous invite à plonger la main dans des casques d'acier allemands de la Seconde Guerre mondiale suspendus à l'envers comme autant de jardinières. Au lieu de géraniums, ils sont remplis de pièces de puzzle bleues qui, assemblées, créeraient un ciel (en référence à la chanson Imagine qu'elle a coécrite avec John Lennon en 1971 et pour laquelle elle n'a reçu un crédit d'auteur qu'en 2017). Vous pouvez emporter avec vous une seule pièce. Et peut-être repartirez-vous avec un morceau de ce puzzle mais aussi en ayant découvert quelque chose de caché en vous.

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Yoko Ono : Music of the Mind se tient à la Tate Modern jusqu’au 1er septembre. Pour plus d'informations cliquez ici

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